March 1, 2022
Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du projet de loi C-10, Loi concernant certaines mesures liées à la COVID-19.
Ce projet de loi vise deux objectifs. D’abord, autoriser le ministre de la Santé à effectuer des paiements sur le Trésor relatifs à des tests de la COVID-19 jusqu’à concurrence de 2,5 milliards de dollars. Ce montant s’ajoute au montant de 1,7 milliard de dollars prévu dans la mise à jour économique et budgétaire de 2021, qui fait l’objet du projet de loi C-8. Cela signifie qu’au total, 4,2 milliards de dollars seront consacrés à l’approvisionnement en tests de dépistage de COVID-19.
Ensuite, le projet de loi C-10 autorise le ministre de la Santé à transférer des tests de la COVID-19 aux provinces, aux territoires ainsi qu’à d’autres entités.
Les tests de dépistage demeurent un outil essentiel pour lutter contre la pandémie de la COVID-19. Parce que cet outil contribue au dépistage précoce, les personnes infectées savent qu’elles doivent s’isoler, ce qui réduit la propagation du virus. Les Canadiens peuvent prendre les mesures requises pour se protéger et protéger leurs proches.
Deux types de tests de dépistage sont couramment utilisés pour détecter la présence du SRAS-CoV-2 : les tests de dépistage moléculaires et les tests antigéniques. Il y a des différences marquées entre ces deux types de test et chaque type a sa propre utilité.
Premièrement, parlons du test de réaction en chaîne par polymérase, qu’on appelle généralement « test PCR ». Il s’agit d’un test moléculaire fait à partir d’un échantillon recueilli dans les voies respiratoires supérieures; il vise à détecter la présence de matériel génétique appartenant au virus. La technologie PCR est très sensible et très spécifique, ce qui explique pourquoi on décrit souvent le test PCR comme la référence en matière de diagnostic.
L’analyse rapide des tests PCR dépend toutefois de plusieurs facteurs, soit l’efficience du transport, la capacité des laboratoires, l’accès à un équipement complexe et la présence d’employés spécialisés bien formés.
De plus, comme les tests PCR sont très sensibles à la présence de fragments du matériel génétique du virus, ils continuent souvent de donner des résultats positifs pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois, donc même une fois que la personne n’est plus contagieuse. Bref, l’emploi de tests PCR n’est pas toujours efficace ou pratique.
Le deuxième type de test est le test antigénique rapide. On utilise un échantillon recueilli par écouvillonnages nasal pour détecter la présence de particules virales qu’on appelle des antigènes. L’avantage du test antigénique rapide, c’est qu’il vous dit si vous êtes contagieux le jour où vous le faites. Il a aussi comme caractéristique de produire un résultat rapide, souvent en 15 minutes.
Les tests antigénique rapides ont aussi l’avantage d’être pratiques : ils sont plus abordables que les tests PCR et requièrent moins de ressources du secteur de la santé, puisque les gens peuvent les administrer eux-mêmes, à l’endroit de leur choix.
Au début de la pandémie, bon nombre de spécialistes de la santé ont appelé à l’utilisation des tests antigéniques rapides dans différents contextes communautaires, y compris dans des centres de soins de longue durée, des hôpitaux et des salles de classe.
Dans un texte d’opinion publié le 17 novembre 2020 dans le magazine TIME, le Dr Michael Mina, un épidémiologiste et médecin de Harvard, a appelé à ce que l’on reconnaisse que les tests antigéniques rapides sont d’importants outils qui pourraient nous aider à nous sortir de la pandémie. Il a écrit ceci :
L’idée est d’utiliser ces tests fréquemment afin que les gens aient la chance de connaître leur état de santé de façon précoce avant de transmettre la maladie à d’autres personnes. Dans un programme de santé publique axé sur le dépistage pour freiner les éclosions, il faut se concentrer sur la fréquence et la rapidité auxquelles on obtient des résultats plutôt que sur la sensibilité absolue.
On se demande souvent si les tests antigéniques rapides sont efficaces.
Du mois d’août au mois de décembre 2020, l’équipe du Royaume-Uni chargée de la surveillance des tests à flux latéral pour le dépistage de la COVID-19 a analysé la sensibilité et la spécificité de 64 tests antigéniques. Selon les résultats de leur expérience, publiés en mai 2021, les tests antigéniques « présentent des caractéristiques liées au rendement prometteuses pour le dépistage à grande échelle au sein de la population, et ils peuvent être utilisés pour cerner des personnes pouvant être contagieuses ».
D’après les données recueillies à l’égard de sept des tests antigéniques les plus populaires et les plus fiables, la probabilité qu’une personne contagieuse obtienne un résultat positif à un test se situait entre 96 % et 99 %, sauf dans le cas d’un de ces tests, où elle était de 94 %. Quant à la probabilité d’obtenir un résultat faussement positif, elle était inférieure à 1 %.
Par-dessus tout, la probabilité qu’une personne contagieuse obtienne un résultat faux négatif varie de 1 % à 4 %, avec un des tests — et un seul — à 6 %.
De toute évidence, les tests antigéniques rapides constituent un outil de santé publique à la fois efficace et important, qui, lorsqu’il est utilisé hâtivement et fréquemment, s’avère très fiable pour détecter les personnes qui sont contagieuses au moment de passer le test.
Cependant, près de deux ans après le début de la pandémie, la compréhension de l’utilisation et de l’utilité des tests antigéniques rapides demeure limitée. Par rapport à d’autres pays, leur distribution au Canada a été lente. Leur utilité comme outil de dépistage de santé publique permettant de réduire le risque d’éclosions communautaires n’a pas été exploitée adéquatement.
Honorables sénateurs, tout au long de la pandémie, j’ai soulevé à maintes reprises la question des tests antigéniques rapides au Sénat, surtout durant la période des questions. Au début d’octobre 2020, je me suis renseignée sur le processus de distribution des tests antigéniques rapides à l’échelle du Canada. Quelques semaines plus tard à peine, j’ai demandé le nombre de tests antigéniques rapides qui avaient été attribués aux établissements de soins de longue durée.
Alors que les Canadiens continuent d’affronter les problèmes causés par la pandémie de COVID-19, l’accès aux tests antigéniques rapides reste limité. Les Canadiens sont forcés de se rendre à plusieurs endroits avant de pouvoir se procurer des trousses de tests. Beaucoup ont même dû patienter dans une file de l’aube au crépuscule pour finalement s’en retourner bredouilles.
Certaines provinces disposent de mécanismes ingénieux et efficaces de distribution. On peut ainsi trouver facilement des trousses de tests antigéniques rapides à de nombreux endroits tels que des bibliothèques publiques, des centres de ressources pour les familles, des épiceries, des stations-service et des sites de dépistage de la COVID-19. Par contre, dans d’autres provinces, les tests antigéniques rapides sont rares et difficiles, voire impossibles, à trouver.
Que la distribution et l’utilisation des tests antigéniques rapides relèvent des provinces et des territoires n’exonère pas le gouvernement fédéral de la responsabilité d’exercer un leadership en la matière. La pénurie de tests antigéniques rapides partout au Canada est une conséquence directe de la réticence du gouvernement fédéral à approuver ces tests au début de la pandémie. Cela dénote la mauvaise qualité des communications sur l’importance et l’utilité de ces tests.
Il faut dire que ces défis ne datent pas d’hier. Le gouvernement fédéral éprouve depuis des années des difficultés à communiquer clairement et efficacement sur les enjeux de santé publique.
En juin 2010, l’ancienne ministre de la Santé, Leona Aglukkaq, a demandé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie de mener une étude et de produire un rapport sur la réponse du Canada à la pandémie de grippe H1N1 en 2009. Puisque je siégeais à ce comité à l’époque, j’ai eu l’occasion de participer à l’étude.
Au cours de 10 réunions, mes collègues sénateurs et moi-même avons entendu les témoignages de représentants du gouvernement fédéral, de plusieurs gouvernements provinciaux et territoriaux, d’associations de professionnels de la santé, d’organisations des Premières Nations, d’organisations inuites et de la communauté scientifique.
En décembre 2010, le comité sénatorial a présenté un rapport intitulé La réponse du Canada à la pandémie de grippe H1N1 de 2009, qui résumait nos conclusions et fournissait 17 recommandations pour renforcer le futur plan de préparation du Canada en cas de pandémie. Le comité a entendu de très nombreux témoignages soulevant des inquiétudes à propos du manque d’efficacité et de clarté de la communication et des messages.
Le rapport a révélé ce qui suit :
Malgré la nette amélioration des communications par rapport à la crise du SRAS et les éloges dont l’ACSP a été l’objet, ce sont les messages et la communication qui ont été le plus souvent critiqués durant l’étude. Cette question est vaste et englobe la communication du gouvernement fédéral avec les Canadiens et les messages qui leur étaient destinés; la communication du fédéral avec les provinces et les territoires, les rôles de chacun, le cas échéant, dans les messages diffusés aux Canadiens par différents médias; et la responsabilité à l’égard des communications bidirectionnelles, si elle était possible ou utile.
Le rapport a aussi souligné les rôles et les responsabilités propres aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en matière de santé publique.
Même s’il a été indiqué que, durant la pandémie de grippe H1N1, le gouvernement fédéral a joué un rôle de premier plan dans plusieurs domaines, dont la surveillance de la maladie, les programmes d’immunisation et d’administration d’antiviraux, les mesures de prévention des infections, les lignes directrices sur les soins cliniques, les communications de santé publique, la recherche et les tests en laboratoire, certains témoins ont affirmé que :
[…] le gouvernement fédéral aurait pu se montrer plus énergique. Certains intervenants de première ligne estimaient en effet que la responsabilité partagée en matière de santé publique devrait relever explicitement d’un leadership fédéral.
Des témoins ont proposé différents moyens d’uniformiser l’intervention au niveau national. Voici un extrait du rapport à ce sujet :
[…] notamment cultiver l’approche actuelle de consultation des provinces et des territoires en vue de conclure des ententes mutuelles entre les différentes compétences; harmoniser la législation provinciale et territoriale et appliquer les pouvoirs constitutionnels en matière de paix, d’ordre et de bon gouvernement.
À cette fin, ils ont convenu que : « le but de l’intervention devrait porter sur l’uniformisation de l’intervention nationale ».
Honorables sénateurs, je reconnais et je soutiens entièrement le besoin d’accroître l’offre de tests antigéniques au Canada. Toutefois, mon analyse préliminaire du projet de loi C-10 a soulevé plusieurs préoccupations.
La première concerne le libellé du projet de loi C-10. Il y est indiqué que le montant autorisé pour se procurer des tests pourrait atteindre 2,5 milliards de dollars. Pour autant, le projet de loi ne précise pas de quels types de tests il s’agit.
Pourtant, dans un communiqué de presse publié le 31 janvier, le gouvernement fédéral explique que le projet de loi C-10 conférerait à Santé Canada le pouvoir « […] d’acheter des tests de dépistage rapide de la COVID-19 d’une valeur maximale de 2,5 milliards de dollars et de les distribuer dans tout le pays ».
Les termes utilisés dans le projet de loi C-10 et dans le communiqué de presse du gouvernement fédéral génèrent de la confusion et me poussent à me demander pourquoi le projet de loi C-10 omet de préciser quels types de tests seront achetés.
La deuxième préoccupation concerne la distribution équitable de tests de dépistage de la COVID-19 entre les provinces et les territoires. Selon la Mise à jour économique et financière de 2021 du gouvernement fédéral, en date du 26 novembre 2021, le Canada avait fait l’achat de 95 millions de tests antigéniques rapides et en avait distribué 86 millions aux provinces, aux territoires et aux communautés autochtones.
Au début du mois de janvier cette année, le gouvernement fédéral a promis de livrer 140 millions de tests antigéniques rapides supplémentaires aux provinces et aux territoires. Or, un certain nombre de provinces ont indiqué ne pas avoir encore reçu tous les tests qui leur avaient été attribués en janvier.
Dans un article du Toronto Star publié le 9 février 2022, on rapportait qu’un porte-parole de la ministre de la Santé de l’Ontario a affirmé ceci :
[…] la province a reçu 36,4 millions de tests antigéniques rapides d’Ottawa, et elle s’attend à ce que les 17,93 millions autres tests qui lui ont été promis soient livrés ce mois-ci.
D’ailleurs, le 9 février 2022, le gouvernement de l’Ontario annonçait avoir procédé à l’achat de 44 millions de tests rapides qu’il allait distribuer aux Ontariens sur huit semaines. Chaque semaine, l’Ontario distribuera 5,5 millions de tests dans certaines épiceries et pharmacies. Chaque ménage aura droit à une boîte contenant cinq tests rapides, par visite.
En outre, le gouvernement du Québec rapportait avoir reçu 24,2 millions de tests en janvier, ajoutant qu’il en attendait encore 5,8 millions. Plutôt que d’attendre l’arrivée de ces tests, le gouvernement du Québec a décidé de commander lui-même 100 millions de tests.
Honorables sénateurs, il est évident que nous ne pouvons pas continuer à faire l’achat de tests antigéniques rapides sans un leadership fort et un plan pour assurer leur distribution équitable entre les provinces et les territoires.
Selon le site Web du gouvernement fédéral sur les tests de dépistage de la COVID-19, en date du 18 février 2022, 327 millions de tests rapides ont été reçus au Canada au total. De ce nombre, 296 millions ont été expédiés aux provinces et aux territoires. Cependant, les données précisant le nombre de tests antigéniques rapides qui ont été distribués à un point de service final et administrés aux patients ne sont pas claires. Comme l’indique le site Web, ces données n’ont pas été mises à jour depuis le 31 décembre 2021, et une grande partie de ces données sont manquantes.
Compte tenu du manque de données communiquées par les provinces et les territoires, comment pouvons-nous être sûrs que le nombre total de tests antigéniques rapides qui ont été distribués aux provinces et aux territoires ont atteint leur destination finale?
Il importe de noter que le projet de loi C-10 ne prévoit aucune surveillance parlementaire. En effet, le ministre de la Santé s’est engagé, dans l’autre endroit, à fournir un rapport au Parlement tous les six mois sur l’acquisition, la distribution et l’utilisation des tests antigéniques rapides. Toutefois, cet engagement n’était que verbal; nous n’avons aucune garantie que ces rapports seront publiés.
Dans son communiqué de presse du 31 janvier 2022, le gouvernement fédéral a déclaré que le financement autorisé par le projet de loi C-10 permettrait au gouvernement de :
[…] conclure des contrats essentiels dans un marché mondial très concurrentiel pour acheter suffisamment de tests rapides pour répondre à la demande soutenue partout au pays.
Selon le site Web du gouvernement fédéral sur l’approvisionnement par le Canada de tests de dépistage rapide de la COVID-19, le Canada a conclu une entente avec 16 fournisseurs de tests de dépistage rapide. J’ai tenté de me renseigner à savoir combien de ces tests antigéniques rapides sont fabriqués par des entreprises canadiennes, mais n’ai trouvé que des données incomplètes qui portent à confusion. Du mieux que j’ai pu comprendre, sur les 16 tests de dépistage rapide autorisés, moins de la moitié sont fabriqués par des entreprises canadiennes. Les autres sont fabriqués à l’étranger.
Cela m’amène à me demander : ne pouvons-nous pas produire ces tests chez nous? Pourquoi n’appuyons-nous pas l’innovation et l’investissement dans les entreprises canadiennes, deux choses pourtant essentielles?
On constate une tendance frappante dans la manière dont le gouvernement fédéral a choisi d’intervenir en réponse à la pandémie de COVID-19. Je rappelle à mes collègues que, au début de la pandémie, le gouvernement fédéral n’a pas réussi à concrétiser la production d’un vaccin contre la COVID-19 au pays pour assurer notre approvisionnement.
La négligence dont fait preuve le gouvernement fédéral à l’égard des industries canadiennes et sa dépendance de l’étranger pour répondre aux besoins du Canada en matière de fournitures médicales, telles que les vaccins et les tests antigéniques rapides, minent notre capacité à lutter efficacement contre la pandémie de COVID-19. Il est devenu évident que le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership pour remédier aux écarts qui s’observent au Canada pour ce qui est de la disponibilité des tests antigéniques rapides.
Il est peut-être temps que le gouvernement fédéral redéfinisse sa stratégie et trouve des moyens nouveaux et créatifs de distribuer des tests antigéniques rapides aux Canadiens. À titre d’exemple, le Canada peut s’inspirer des États-Unis, dont le nouveau site Web du gouvernement permet à tous les foyers américains de commander gratuitement jusqu’à quatre tests antigéniques rapides pour dépister la COVID qui seront livrés par les services postaux des États-Unis.
Honorables sénateurs, il est impératif que nous continuions à investir dans des outils qui nous permettront d’atténuer les effets de la pandémie de COVID-19.
Beaucoup de gens peuvent s’interroger sur la nécessité des tests antigéniques rapides à ce stade de la pandémie. Je rappelle à mes collègues que la valeur de ces tests découle de leur capacité à détecter le virus au moment où la personne infectée est la plus contagieuse. Ils jouent un rôle très important en tant que dispositif de dépistage de santé publique pour prévenir la transmission communautaire.
Avec le temps, le virus de la COVID-19 passera inévitablement d’un état pandémique à un état endémique. Nous continuerons à voir que l’importance des tests antigéniques rapides en tant qu’outil de santé publique découle de leur efficacité à gérer les éclosions dans les collectivités et les lieux de travail en identifiant les personnes qui sont contagieuses. Au bout du compte, cela garantira notre retour en toute sécurité à un nouveau mode de vie « normal ». Merci.
L’honorable Dennis Glen Patterson : La sénatrice accepterait‑elle de répondre à une question?
La sénatrice Seidman : Oui, certainement.
Le sénateur Patterson : Je commence à en avoir assez de voir des projets de loi traités à toute vitesse au Sénat en réponse à un dictat du gouvernement, quel que soit leur bien-fondé. Vous venez de décrire le rôle crucial qu’un comité peut jouer — et joue — quand il faut composer avec une situation de ce genre. Vous avez aussi exprimé des préoccupations de manière réfléchie.
Je sais que vous êtes la porte-parole. Pourriez-vous me dire quel est l’échéancier prévu pour l’étude en comité et l’examen du projet de loi? Croyez-vous, comme moi, que le comité devrait disposer d’assez de temps pour bien faire son travail?
La sénatrice Seidman : Je vous remercie de votre question, sénateur Patterson. Je ne peux malheureusement pas vous dire quel est l’échéancier du comité, car je l’ignore. Je sais toutefois que, dès que le projet de loi sera renvoyé au comité, ce qui arrivera aujourd’hui, je l’espère, le comité en sera saisi. Il devra bien sûr déterminer quels témoins il souhaite entendre et quel rôle doit jouer le comité.
L’honorable Frances Lankin : L’honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?
La sénatrice Seidman : Oui.
La sénatrice Lankin : Je vous remercie de nous aider à comprendre ce projet de loi, sénatrice Seidman. Je remercie aussi la sénatrice Marshall. Vous mettez toutes les deux votre vaste expertise au service de notre examen des projets de loi comme celui-là, ce qui nous aide. Vous jouez un rôle crucial à titre de porte-parole.
Pour ce qui est des préoccupations que vous avez soulevées, pourriez-vous me dire, par exemple, lesquelles vous aimeriez voir transformées en amendements au projet de loi, et lesquelles seraient plutôt de nature à être notées dans les observations?
À ma connaissance, il y a eu des discussions, mais pas nécessairement une entente, voulant que le projet de loi soit traité rapidement par le comité.
Pour nous éclairer, pourriez-vous nous dire ce qu’il serait possible d’accomplir au moyen d’observations, selon vous, et ce qui devrait être un amendement important apporté au projet de loi? Merci beaucoup.
La sénatrice Seidman : À mon avis, certaines préoccupations pourraient probablement être notées dans les observations. Je crois que l’un des amendements les plus importants que nous pourrions apporter porte sur la reddition de comptes. Vu que très peu de données sont publiées sur le site Web du gouvernement et que certaines d’entre elles remontent à aussi loin que décembre, je pense que le ministre doit présenter un rapport et que cette exigence doit figurer dans le projet de loi afin que nous soyons certains qu’il en présente un au lieu de compter uniquement sur les promesses qu’il fait à l’autre endroit.
J’aimerais voir un amendement qui intègre la reddition de comptes et la production de rapports dans le projet de loi afin que nous ayons plus d’information sur la façon dont les tests sont distribués ainsi que sur le processus exact de distribution.
Sénatrice Lankin, selon moi, l’un des plus gros problèmes, c’est que les provinces ne transmettent pas régulièrement des rapports cohérents au gouvernement fédéral, ce qui restreint notre capacité à comprendre si les tests arrivent réellement aux points de service.
Mon sujet de préoccupation concerne toujours la reddition de comptes. Le reste des questions peut probablement être traité à l’aide des observations.
La sénatrice Lankin : Merci, madame la sénatrice. Nous pourrons examiner ces questions au comité lorsque des fonctionnaires et, espérons-le, le ministre comparaîtront. Je m’engage à le faire, à l’instar d’autres sénateurs, j’en suis sûre. Je n’ai pas de question complémentaire. Merci.
L’honorable Stan Kutcher : D’abord, je tiens à vous remercier pour la classe de maître lors de la discussion sur le dépistage. Fantastique. Merci beaucoup.
Je suis entièrement d’accord avec vous sur la question de la reddition de comptes. Cela me pose problème, et j’aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet. Il existe des mécanismes de reddition de comptes pour le fédéral en ce qui a trait à l’origine exacte des tests et à ce qu’en font les provinces lorsqu’elles les reçoivent. Certaines provinces ont gardé ces tests sur leurs tablettes pendant des mois. Il y a aussi la reddition de comptes des provinces à l’égard des citoyens. Les citoyens reçoivent-ils les tests dont ils ont besoin? J’habite en Nouvelle-Écosse. Nous avons en fait accompli un très bon travail pour ce qui est de l’utilisation des tests rapides. Si nous pouvons le faire, d’autres provinces devraient pouvoir le faire également.
Comment aborderiez-vous cet enjeu? Je partage votre avis concernant la reddition de comptes. Comment peut-on résoudre cet enjeu?
La sénatrice Seidman : C’est une très bonne question, car les données sont recueillies par différentes administrations, à la fois provinciales et fédérale. Cela ne date pas d’hier et c’est difficile, sans aucun doute. Nous savons que le gouvernement fédéral ne reçoit pas des données cohérentes des provinces. Je comprends qu’il s’agit d’un problème.
Par contre, dans le cas qui nous occupe, je crois que le gouvernement fédéral peut faire mieux pour ce qui est de la collecte de données et de la transparence sur son site Web. Il était très évident que beaucoup de données n’avaient pas été mises à jour depuis décembre. Par conséquent, il est très difficile de savoir s’il y a une distribution équitable entre les provinces, par exemple.
Je crois qu’il est intéressant de souligner que le gouvernement américain a décidé d’assumer la responsabilité de la distribution des tests rapides à tous les citoyens de ce pays. La population n’a qu’à consulter le site Web de services de santé nationaux américains et à commander ses trousses de tests, qui sont livrées par la poste.
C’est une autre approche en matière de reddition de comptes.
L’honorable Renée Dupuis : Est-ce que la sénatrice Seidman accepterait de répondre à une autre question?
La sénatrice Seidman : Certainement.
La sénatrice Dupuis : Merci, sénatrice Seidman.
Je vous écoute et je prends des notes, mais j’ai de très grands blancs, parce que votre cours était tellement complet que certaines informations m’ont échappé.
J’ai une première question sur la spécification des tests qui n’étaient pas inclus ou qui n’étaient pas précisés. Pouvez-vous revenir sur l’explication que vous nous avez donnée? Est-ce que vous pensez que ces spécifications devraient faire l’objet d’une observation ou que le projet de loi devrait faire l’objet d’un amendement?
La sénatrice Seidman : Non, je ne crois pas que ce projet de loi puisse régler les questions de sensibilité et de spécificité. Ce sont des caractéristiques associées aux tests de dépistage utilisés en Amérique du Nord et probablement partout dans le monde. En fait, ces tests sont extrêmement sensibles et très spécifiques. Je vous ai présenté les données concernant les tests les plus communs. Sept d’entre eux sont très couramment utilisés au Canada, et leurs niveaux de sensibilité et de spécificité sont très impressionnants.
Permettez-moi de consulter mes notes si vous voulez des chiffres précis. Ces chiffres proviennent de l’équipe du Royaume-Uni chargée de la surveillance des tests à flux latéral pour le dépistage de la COVID-19. Cette équipe a analysé 64 tests antigéniques et publié ses résultats en mai 2021. Ceux-ci démontrent que ces tests ont de très prometteuses caractéristiques liées au rendement. Comme je l’ai dit, il s’agit des caractéristiques des tests; on ne peut rien y changer. C’est ainsi. Toutefois, selon les tests les plus populaires — les sept meilleurs et plus fiables —, la probabilité qu’une personne contagieuse obtienne un résultat positif à un test se situait entre 96 % et 99 %. Dans le cas d’un de ces sept tests, la probabilité était de 94 %. La probabilité d’obtenir un résultat faussement positif était inférieure à 1 %. Vous comprendrez donc qu’il est très improbable d’obtenir un résultat faussement positif.
Plus important encore, la probabilité qu’une personne infectée obtienne un résultat faussement négatif est très faible, de l’ordre de 1 % à 4 %. Comme je l’ai déjà dit, cela signifie que ces tests sont sensibles et spécifiques.
J’espère que cela répond à votre question.
La sénatrice Dupuis : J’ai une question complémentaire, si la sénatrice Seidman accepte d’y répondre.
La sénatrice Seidman : Bien sûr.
La sénatrice Dupuis : Sénatrice Seidman, lorsque vous avez parlé de la reddition de comptes du gouvernement fédéral et que vous avez affirmé que cela mériterait peut-être une observation ou un amendement, est-ce que l’on peut convenir que c’est un aspect que l’on veut vérifier? Ce qu’il faut savoir, c’est dans quelle mesure le gouvernement fédéral a distribué les tests, à quel rythme et à quelles provinces ou à quels territoires il en a distribué.
Autrement dit, on ne veut pas s’embarrasser d’un problème que vous avez très bien illustré, c’est-à-dire qu’on ignore ce que les provinces elles-mêmes ont fait de ces tests et qu’on n’a pas les moyens de vérifier ce que les provinces ont fait à partir du moment où elles les ont reçus.
Peut-on convenir que la reddition de comptes à laquelle on s’intéresse ici, c’est ce que le gouvernement fédéral a fait, comment il l’a fait et à quel rythme il l’a fait?
La sénatrice Seidman : Jusqu’à un certain point, je pense que vous avez raison sur le fait que ce qui nous intéresse, c’est la capacité du gouvernement fédéral d’obtenir ces tests — c’est-à-dire auprès des fabricants — et de les distribuer aux provinces. Cependant, le gouvernement du Canada a bien un site Web où l’on peut voir — je regarde à l’instant pour être certaine — le nombre de tests antigéniques rapides qui ont été livrés au point de service et qui ont été administrés aux patients. Malheureusement, ces données n’ont pas été mises à jour depuis le 31 décembre.
De toute évidence, il y a moyen de suivre l’arrivée de ces tests à leur point de destination dans les provinces. Si le gouvernement du Canada fait ce suivi, il peut faire preuve de transparence et rendre des comptes à cet égard.
L’honorable Rosa Galvez : Est-ce que la sénatrice Seidman accepterait de répondre à une question?
La sénatrice Seidman : Oui, bien sûr.
La sénatrice Galvez : Je vous remercie pour tous les renseignements que vous nous avez fournis, sénatrices Seidman et Marshall. Les points que vous avez soulevés portent à croire qu’il faut être très vigilants pour ne pas gaspiller les sommes d’argent disponibles, ces milliards de dollars. C’est inquiétant.
Nous savons que ces tests antigéniques ne sont pas demeurés immuables. Ils évoluent et sont de plus en plus précis. Si l’on compare la génération actuelle aux premiers tests disponibles qui avaient de plus hauts taux d’erreur, on constate que des améliorations considérables ont été apportées depuis.
Je constate qu’il y a deux problèmes, sénatrice Seidman. D’une part, il y a l’argent que nous payons pour des tests, lesquels évoluent avec le temps, et nous ne savons pas exactement de quel type ils sont et comment ils se rendent à la population. D’autre part, s’il s’agit d’un doublement de dépenses et de tests, c’est un problème d’efficacité.
Je peux vous dire que lorsque j’étais à Glasgow pendant la COP26, ces tests étaient distribués dans les pharmacies, les gares et les stations de métro. Dans ma province, le Québec, il y a eu des moments où mes collègues et mes amis ont essayé d’obtenir ces tests à la pharmacie, mais ils n’étaient tout simplement pas disponibles. À l’heure actuelle, ils sont disponibles, mais il y en a très peu et ils ne sont pas gratuits.
Nous savons que les provinces ont acheté des tests et qu’elles les distribuent, en quelque sorte. On peut obtenir les tests auprès du fédéral ou du provincial.
Je veux vous demander : à quel échelon voulez-vous que l’on rende des comptes? Devrions-nous demander quel type de tests sont commandés, quel est le rendement de ces tests et comment ils parviennent aux gens? Je fais partie du Comité des finances nationales et vous mentionnez que vous n’en faites pas partie, alors nous allons en discuter. J’aimerais savoir à quel échelon vous souhaitez que ces informations soient fournies. Merci.
La sénatrice Seidman : Merci, sénatrice Galvez.
Il est clair que les provinces — et j’ai parlé plus particulièrement du gouvernement de l’Ontario et du gouvernement du Québec, qui voulaient désespérément se procurer ces tests antigéniques rapides — en ont reçu quelques millions du gouvernement fédéral, mais elles n’ont pas obtenu tous les tests qui leur avaient été promis. L’Ontario a acheté, sans passer par le gouvernement fédéral, 44 millions de tests rapides supplémentaires. Le Québec a également pris l’initiative de commander 100 millions de tests antigéniques rapides. Je présume que ces fonds proviennent des budgets des provinces. Pourtant, les gouvernements provinciaux n’essaient pas de facturer ces tests au gouvernement fédéral. Si le gouvernement fédéral achète pour plus de 4 milliards de dollars de tests rapides, il doit rendre compte de ce qu’il en advient.
En ce qui concerne le type de tests utilisés, je crois que la sénatrice Galvez a raison. Ils ont évolué. Il ne fait aucun doute que ceux que l’on utilise aujourd’hui sont beaucoup plus fiables que ceux que l’on utilisait auparavant.
Vous remarquerez que, dans mon discours, je me suis dite très déçue que nous n’ayons pas encouragé plus d’entreprises canadiennes à élaborer et à fabriquer ces tests au pays, car cela nous aiderait à mieux maîtriser notre capacité à les produire et à les distribuer. J’ai ici une liste des entreprises qui fabriquent et qui fournissent les tests. Il y a deux entreprises canadiennes autorisées par Santé Canada à en faire la vente et la production : une en Ontario et une en Colombie-Britannique. Ensuite, il y a des entreprises canadiennes qui fournissent des tests antigéniques rapides fabriqués à l’étranger. Cela signifie que seulement deux entreprises canadiennes fabriquent, produisent et vendent de tels tests au gouvernement canadien.
Le gouvernement canadien fait affaire avec ces deux entreprises. Par contre, comme je l’ai dit, il y a trois entreprises qui se procurent ces tests à l’étranger, puis en font la distribution ici.
Sept entreprises internationales fabriquent des tests de dépistage rapide de la COVID-19, et le Canada se procure des tests auprès des sept entreprises aux États-Unis. De plus, il y a quatre entreprises étrangères à l’extérieur des États-Unis à qui nous achetons aussi des tests et les faisons livrer au Canada.
Cela vous donne une idée de la grande quantité de tests. Somme toute, il ne fait aucun doute que nous devrions nous intéresser aux tests les plus sensibles, les plus spécialisés et les plus fiables.
Comme je l’ai dit — et je pense que c’est le détail le plus important à ce sujet —, ces tests ont une valeur énorme comme instrument de dépistage pour la santé publique, parce que les tests antigéniques rapides permettent de savoir si quelqu’un est contagieux le jour même. Ce n’est pas le cas des tests PCR. C’est pour cette raison que nous devons comprendre la valeur des tests antigéniques rapides et qu’ils devraient être offerts partout au pays.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer? Sénatrice Wallin, avez-vous une question?
L’honorable Pamela Wallin : Oui, si nous avons encore deux minutes.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous avons trois minutes.
La sénatrice Wallin : J’aimerais soulever deux questions brièvement. Premièrement, devons-nous dépenser ces milliards de dollars, étant donné que les provinces ont déjà acheté ces tests elles‑mêmes et qu’il y a un chevauchement, puisqu’il y a deux projets de loi qui prévoient des dépenses équivalentes? Avons-nous besoin de tout cet argent maintenant que les provinces vont de l’avant? Deuxièmement, en ce qui concerne ces tests, la collecte de données est-elle aussi inefficace que pour d’autres aspects comme les effets du vaccin, de la maladie, et cetera?
La sénatrice Seidman : Je serai brève. En ce qui concerne l’aspect financier, je vais laisser répondre mes collègues qui sont beaucoup plus qualifiés pour comprendre ces chiffres et qui ont ce genre d’expertise.
Je dirais que nous ne devons pas oublier l’importance des tests antigéniques rapides. Je pense qu’ils seront d’une importance capitale. Nous en avons besoin.
Quelle était votre deuxième question? Je suis désolée.
La sénatrice Wallin : Elle portait sur la collecte de données et…
La sénatrice Seidman : Je dois dire que nous sommes très inefficaces en matière de collecte de données et dans une foule d’autres domaines.