Statements & Speeches

Projet de loi sur la sensibilisation à la densité mammaire

December 11, 2012

Honorables sénateurs, d’ici la fin de 2012, on estime que 23 000 femmes auront appris qu’elles souffrent d’un cancer du sein. Au total, une femme sur 9 développera le cancer du sein au cours de la vie, et une sur 29 en mourra. Cette maladie a emporté plusieurs personnes — nos mères, nos sœurs, nos amies, nos tantes, nos grands-mères et nos conjointes — et de nouvelles femmes reçoivent chaque année ce diagnostic. Cette maladie requiert beaucoup, beaucoup de soutien et d’attention.

Nos collègues, mesdames les sénateurs Seth et Merchant, en ont déjà parlé avant moi. Elles nous ont fait part des inquiétudes des membres de la communauté des personnes liées au cancer du sein. Je tiens à les remercier d’avoir fait part de leurs points de vue au Sénat.

Honorables sénateurs, les méthodes de dépistage du cancer du sein évoluent. Il ne fait aucun doute que des progrès ont été accomplis. Par contre, de nouvelles données ont compliqué la situation au point de changer radicalement les pratiques normatives.

Les doutes croissants sur la fiabilité de la mammographie ont suscité un débat intense. Il y a par exemple tout un débat sur l’âge à partir duquel il faudrait commencer le dépistage. En 2009, aux États-Unis, le groupe de travail sur les services préventifs s’est prononcé contre les mammographies annuelles pour les femmes dans la quarantaine, conseillant à celles de 50 ans et plus de n’en subir que tous les deux ans.

En 2011, le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs a publié de nouvelles lignes directrices pour le dépistage du cancer du sein suggérant que les femmes de 50 à 74 ans ne subissent des mammographies que tous les deux ou trois ans. Selon ce groupe d’étude, le surdiagnostic et les biopsies non nécessaires risquaient d’avoir des effets nuisibles, notamment chez les femmes jeunes.

On utilise aujourd’hui toutes sortes de techniques pour dépister le cancer du sein. Les chercheurs essaient d’améliorer la technique traditionnelle de la mammographie en explorant le potentiel de la mammographie numérique, des IRM, des tomographies par émission de positrons, de la thermographie du sein et de la tomographie optique diffuse, qui utilise de la lumière au lieu de rayons X pour obtenir une image du sein.

Au mois de septembre, la FDA a approuvé le premier appareil à ultrasons à utiliser en combinaison avec la mammographie classique chez les femmes à densité mammaire élevée.

Dernièrement, le débat s’est concentré sur la densité mammaire et le dépistage. Une étude publiée en 2012 dans le Journal of the National Cancer Institute a montré qu’il n’y avait pas de lien entre le risque de décéder d’un cancer du sein et la présence d’une densité mammaire élevée chez les patientes atteintes de cancer du sein. L’étude établissait un lien entre la densité mammaire et divers autres facteurs de risque. Elle constatait une « association de la faible densité et du risque accru de cancer du sein chez les patientes obèses ou celles chez lesquelles on avait diagnostiqué des tumeurs de grande taille ou de grade élevé. »

Barbara Monsees, présidente du collège américain de radiologie, a été surprise par les résultats de cette étude. Voici ce qu’elle a dit :

« Cela montre que nous avons encore beaucoup de choses à apprendre sur les tissus mammaires denses avec tout ce que cela entraîne au niveau de dèpistage, du diagnostic et du traitement.»

Que pouvons-nous faire d’utile, nous, les législateurs? Aux États- Unis, plusieurs États ont adopté des lois imposant aux médecins de dire aux femmes si elles ont des tissus mammaires denses. Un projet de loi réclamant une loi fédérale a été présenté à la Chambre des représentants. Ces décisions se sont toutefois heurtées à une forte opposition de la part de certains membres de la profession médicale, de sociétés professionnelles de radiologues et de cancérologues qui craignent que de telles lois n’entraînent une recrudescence de tests et de traitements superflus. Des groupes de défense des femmes s’inquiètent aussi et sont d’avis que ces exigences risquent de créer des doutes superflus, une angoisse inutile ou même un faux sentiment de sécurité.

Honorables sénateurs, voici ce qu’on demande dans le projet de loi C-314 : premièrement, qu’on détermine s’il existe des lacunes dans l’information relative à la densité mammaire dans le contexte du dépistage du cancer du sein; deuxièmement, qu’on établisse, au besoin, des façons d’améliorer l’information fournie aux femmes subissant des tests de dépistage du cancer du sein afin de surmonter les difficultés liées au dépistage du cancer du sein chez les femmes ayant un tissu mammaire hétérogène ou dense, et d’accroître la sensibilisation à ces difficultés; enfin, troisièmement, de communiquer, au moyen de l’Initiative canadienne pour le dépistage du cancer du sein, l’information concernant la détection du tissu mammaire hétérogène ou dense durant le dépistage et toutes méthodes de suivi.

Honorables sénateurs, le projet de loi dit, à juste titre, qu’on a besoin de plus d’information sur le rapport entre le dépistage du cancer du sein et la densité mammaire. Compte tenu des recherches actuelles, de l’évolution de la technologie et de la complexité des problèmes, il est certainement justifié de procéder à un examen plus approfondi avant de proposer une quelconque nouvelle loi. Un comité sénatorial serait parfaitement approprié en l’occurrence. Il pourrait entendre les témoignages d’experts s’appuyant sur les plus récentes connaissances. En fin de compte, cette étude pourrait déboucher sur un projet de loi riche des informations apportées par des experts et axé sur l’action qui comblerait le déficit d’information si justement souligné dans le projet de loi C-314. C’est le moins que l’on puisse faire pour les Canadiennes.

Honorables sénateurs, je propose donc :

Que le projet de loi C-314 ne soit pas maintenant lu pour la deuxième fois mais que la teneur en soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie;

Que l’ordre pour la reprise du débat sur la motion portant deuxième lecture du projet de loi n’apparaisse pas au Feuilleton et Feuilleton des préavis jusqu’à ce que le comité ait déposé son rapport sur la teneur du projet de loi.