June 18, 2024
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui, à l’étape de la deuxième lecture, à titre de porte-parole responsable du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments. Je remercie la sénatrice Pate, la marraine du projet de loi C-64, et les sénatrices Osler, Moodie, Simons, Bernard et Duncan de leurs contributions à cette importante mesure législative.
Je vais maintenant parler du projet de loi.
Chers collègues, le projet de loi C-64 semble proposer deux politiques distinctes. D’une part, le projet de loi C-64 propose un régime national et universel d’assurance-médicaments et énonce les principes essentiels dont le ministre de la Santé doit tenir compte dans le cadre de la mise en œuvre de cette politique.
D’autre part, le projet de loi codifie une structure et des processus qui obligent le ministre de la Santé à effectuer des paiements aux provinces avec lesquelles le gouvernement fédéral a conclu des ententes bilatérales afin d’augmenter toute couverture existante d’un régime public d’assurance-médicaments pour des médicaments sur ordonnance précis et des produits connexes destinés à la contraception ou au traitement du diabète. C’est l’histoire de deux politiques.
Chers collègues, j’examinerai certains des problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le projet de loi C-64, à la fois dans le régime national et universel d’assurance-médicaments proposé et dans le plan progressif pour les médicaments et les produits destinés uniquement à la contraception ou au traitement du diabète. Je me pencherai également sur trois préoccupations structurelles globales qui, selon moi, doivent être examinées au comité.
Le cadre du régime national universel d’assurance-médicaments proposé dans le projet de loi C-64 semble prévoir des principes visant à respecter la politique envisagée dans le rapport final du Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments intitulé Une ordonnance pour le Canada : l’assurance-médicaments pour tous.
Le conseil consultatif a été lancé en juin 2018 et il était présidé par le Dr Eric Hoskins. Son rapport final, qui a été publié en juin 2019 et qui est souvent appelé le rapport Hoskins, encourage : « […] le gouvernement à adopter un régime national d’assurance-médicaments au moyen d’une nouvelle loi qui englobera les cinq principes fondamentaux établis dans la Loi canadienne sur la santé […] »
Conformément au rapport Hoskins, des engagements ont été pris à l’égard d’éléments fondamentaux, notamment l’Agence canadienne des médicaments, la liste nationale de médicaments et la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares.
En 2021, le gouvernement fédéral a investi 35 millions de dollars avec l’Île-du-Prince-Édouard pour le Programme d’amélioration de l’accès abordable aux médicaments sur ordonnance dans le cadre d’une sorte d’étude-pilote pour combler une lacune dans la couverture.
En 2022, un groupe national multidisciplinaire convoqué par l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé à la demande de Santé Canada a recommandé la mise en place d’un cadre pour l’élaboration d’une liste nationale et d’un modèle de liste de médicaments.
En mars 2023, la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares a été lancée avec un investissement maximal de 1,5 milliard de dollars sur trois ans pour améliorer l’accès aux médicaments pour le traitement des maladies rares et pour les rendre plus abordables.
En décembre 2023, l’Agence canadienne des médicaments a été créée grâce à un investissement de 89,5 millions de dollars sur cinq ans à partir de 2024-2025.
Le gouvernement affirme que le projet de loi C-64 est la prochaine étape vers un régime national universel d’assurance‑médicaments. Or, cette proposition particulière de régime national universel d’assurance-médicaments présente des faiblesses considérables et, comme mes collègues m’entendent souvent le souligner à propos de propositions législatives, elle risque d’avoir de graves conséquences involontaires. Voyons un peu de quoi il en retourne.
Premièrement, le régime national d’assurance-médicaments universel envisagé dans le projet de loi C-64 empiète sur les compétences provinciales et complique ou entrave les programmes que les provinces et les territoires ont déjà mis en place.
Comme nous le savons tous, au Canada, les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables de la gestion, de l’organisation et de la prestation des services de santé pour leurs résidants. Le Québec, qui exige que tous les résidants qui n’ont pas d’assurance-médicaments privée s’inscrivent et cotisent au régime public de la province, est la seule province à avoir atteint l’objectif d’une couverture universelle des médicaments. C’est pourquoi le gouvernement du Québec s’oppose au projet de loi C-64.
En février, le cabinet de Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, a déclaré à la Presse canadienne :
Le gouvernement du Québec a rappelé à plusieurs reprises que la santé est une compétence exclusive du Québec. Si le gouvernement du Canada concrétise son projet d’assurance‑médicaments, le gouvernement du Québec exigera un droit de retrait avec pleine compensation […]
Le Québec n’est pas le seul à s’opposer à ce projet. Le gouvernement de l’Alberta a exprimé des sentiments similaires.
Tous les gouvernements provinciaux et territoriaux offrent à leurs résidants des régimes d’assurance pour les médicaments sur ordonnance, quoique de types différents. Permettez-moi de vous donner un aperçu de quelques-uns des régimes publics qui, au Canada, couvrent les médicaments sur ordonnance, les dispositifs médicaux et les fournitures médicales. Certains sont basés sur le revenu, d’autres sur l’âge, d’autres encore s’appliquent à des maladies précises qui nécessitent des médicaments coûteux.
L’Alberta dispose d’un régime qui couvre les personnes d’âge adulte issues de ménages à faible revenu qui sont enceintes ou qui ont un besoin aigu et chronique de médicaments sur ordonnance, les enfants issus de ménages à faible revenu, ainsi que les résidents âgés de 65 ans et plus. La province offre également le régime Non‑Group Coverage, qui est administré par la Croix bleue de l’Alberta, assorti de cotisations mensuelles et accessible à tous les Albertains.
La Colombie-Britannique s’est dotée d’un régime qui couvre les bénéficiaires d’aide au revenu et les bénéficiaires d’établissements de soins agréés. Elle a aussi créé le régime Fair PharmaCare, qui aide les familles à payer les médicaments sur ordonnance et qui est fondé sur le revenu : plus les revenus familiaux sont faibles, plus l’aide offerte est élevée.
Le régime d’assurance médicaments du Manitoba offre des prestations calculées à partir du revenu aux personnes pour qui la facture de médicaments sur ordonnance est élevée.
Le Nouveau-Brunswick s’est doté d’un régime qui couvre les personnes de plus de 65 ans, les résidents des établissements pour personnes âgées, les enfants confiés aux soins de la province et les clients de Développement social. Il s’est aussi doté d’un régime de prestations calculées à partir du revenu pour les personnes qui n’ont pas d’assurance privée.
Le régime de Terre-Neuve-et-Labrador couvre les personnes et les familles à faible revenu, ainsi que les personnes de plus de 65 ans qui touchent des prestations de Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti.
Les Territoires du Nord-Ouest se sont dotés d’un régime qui couvre les personnes admissibles de 60 ans et plus et les personnes atteintes de certaines maladies. Ce territoire a aussi créé un régime pour les Métis autochtones.
Le régime de la Nouvelle-Écosse couvre toutes les personnes qui n’ont pas d’autre régime d’assurance médicaments ou dont les médicaments coûtent trop cher.
Le Nunavut s’est doté d’un régime qui couvre les personnes âgées, celles qui sont atteintes de certaines maladies et les prestataires de l’aide au revenu.
L’Ontario a des régimes qui couvrent les résidants de plus de 65 ans; les résidants bénéficiant de l’aide sociale; les résidants d’établissements de soins de longue durée ou spécialisés; les résidants recevant des soins à domicile; et les résidants dont le coût des médicaments sur ordonnance est élevé par rapport à leur revenu et qui ne bénéficient pas d’une couverture privée ou d’un autre régime provincial. Cette province a aussi un régime qui couvre gratuitement plus de 5 000 médicaments pour toute personne âgée de 24 ans ou moins qui n’est pas couverte par un régime privé.
L’Île-du-Prince-Édouard a un régime qui couvre les familles à faible revenu; les résidants de 65 ans et plus; les résidants de moins de 65 ans qui n’ont pas d’assurance-médicaments; et les résidants qui ont besoin d’aide pour payer les médicaments et les fournitures pour une gamme de conditions médicales spécifiques. En outre, en 2021, l’Île-du-Prince-Édouard a conclu un partenariat avec le gouvernement fédéral dans le cadre d’un programme pilote qui réduit à 5 $ la quote-part des médicaments admissibles — y compris les médicaments contre les maladies cardiovasculaires, le diabète et les troubles mentaux — pour les résidants couverts par certains programmes.
Au Québec, le régime public d’assurance-médicaments couvre tous les résidants qui ne sont pas couverts par un régime privé.
La Saskatchewan a un régime qui couvre tous les résidants à l’exception de ceux qui bénéficient de programmes fédéraux.
Le Yukon a un régime qui couvre les résidants âgés de plus de 65 ans et les enfants des familles à faible revenu, et offre des prestations aux Yukonnais qui souffrent d’une maladie chronique ou d’une incapacité fonctionnelle grave. Notre collègue la sénatrice Duncan a très bien décrit ce régime d’une manière beaucoup plus détaillée.
Selon la conception du programme, un régime national universel d’assurance-médicaments pourrait simplifier le réseau complexe de programmes qui est en place partout au Canada. Cependant, chaque province et territoire a accumulé un savoir organisationnel en matière de prestation de ses programmes respectifs, certains programmes étant adaptés pour répondre aux besoins de nos collectivités. À titre d’exemple, le Québec a près de 30 ans d’expérience avec son programme.
En outre, la plupart des Canadiens sont déjà couverts par une assurance-médicaments, mais les statistiques varient selon les sources consultées. Comme le Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments le souligne dans le rapport Hoskins :
Nos recherches ont révélé des estimations différentes du nombre de Canadiens qui ne sont pas assurés ou qui sont sous‑assurés : selon certaines études, ce chiffre serait de 5 % de Canadiens, […] D’autres sondages nous indiquent que près de 20 % des Canadiens […] ne sont pas assurés ou sont sous‑assurés […]
Ceux qui ne sont pas couverts par une assurance-médicaments pourraient être admissibles à un programme auquel ils ne sont pas inscrits. Dans une analyse pancanadienne réalisée en 2022 au sujet de la couverture des médicaments sur ordonnance, le Conference Board du Canada estime que plus de 97 % des Canadiens sont admissibles à une forme quelconque de couverture des médicaments sur ordonnance. Cela signifie qu’il reste 2,8 % de Canadiens non admissibles à une couverture. En outre, le Conference Board du Canada signale qu’environ 10 % des Canadiens ne sont pas inscrits à un régime public ou privé d’assurance-médicaments auquel ils sont admissibles.
Deuxièmement, la politique nationale d’assurance-médicaments universelle envisagée dans le projet de loi C-64 pourrait avoir une incidence négative sur la pratique des pharmaciens. Lorsqu’ils ont témoigné devant le Comité permanent de la santé de l’autre endroit, des pharmaciens ont exprimé leurs inquiétudes quant à un régime national d’assurance-médicaments universelle. Joelle Walker, de l’Association des pharmaciens du Canada, a mis en lumière le fardeau administratif que représente le passage des patients d’un régime à un autre :
[…] on ne saurait trop insister sur le risque que cela entraîne de graves perturbations. […] les modifications apportées à un régime d’assurance médicaments peuvent créer beaucoup de perturbations pour les gens assurés comme pour les pharmaciens.
La réalité est que les régimes d’assurance médicaments publics au Canada sont beaucoup moins complets que les régimes d’assurance-médicaments privés, ce qui veut dire que si, en conséquence du projet de loi, les patients sont transférés de leur régime privé à un régime public, les pharmaciens et les médecins vont probablement devoir passer beaucoup de temps à prescrire de nouveaux traitements à leurs patients, surtout si leurs médicaments ne sont plus couverts par le régime public; ils vont devoir remplir des formulaires pour obtenir des exemptions spéciales, puis vont devoir communiquer ces changements à leurs patients.
Benoit Morin, président de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires, a signalé au Comité permanent de la santé que, selon le principe proposé du payeur public unique, les honoraires des pharmaciens seraient un montant unique négocié pour les médicaments couverts. Il a expliqué que cela aurait une incidence considérable sur les pharmaciens propriétaires québécois, puisque les honoraires des pharmaciens sont plus élevés pour les médicaments couverts par les régimes privés, y compris par le volet privé du régime public d’assurance-médicaments du Québec.
Il a expliqué l’ampleur de cet enjeu comme suit :
Actuellement, le financement des pharmacies québécoises repose principalement sur les honoraires professionnels liés à la distribution des médicaments et à leur surveillance. La variation de ces honoraires peut influencer la capacité des pharmacies à fournir des services aux patients.
C’est précisément la flexibilité du modèle mixte public-privé actuel qui permet aux pharmacies québécoises de se développer, d’être présentes dans toutes les régions et d’offrir une multitude de services aux patients […] Sans cette souplesse, la santé financière du réseau des pharmacies serait mise à mal, et les répercussions seraient encore plus importantes en région éloignée.
Morin souligne également :
Lorsqu’un régime universel a été mis en place en Nouvelle-Zélande, on a vu fermer environ 371 pharmacies.
Effectivement, au Québec, s’il n’y a pas de régime mixte, on craint que cela touche les pharmacies assez durement pour les empêcher d’être rentables, ce qui entraînera des fermetures et les contraindra à s’installer dans les grands centres plutôt que dans les zones rurales.
Le gouvernement fédéral a pris l’habitude de ne pas consulter les pharmaciens au sujet des politiques qui les touchent directement et qui touchent aussi les Canadiens qui ont recours à leurs services. Dans un communiqué publié après le dépôt du projet de loi C-64 à l’autre endroit, l’association s’est plainte qu’aucun pharmacien n’ait été membre du Conseil consultatif Hoskins sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments en 2018.
Les soins que les Canadiens reçoivent dans les pharmacies sont irremplaçables. Selon une étude menée pour le compte de l’Association des pharmaciens du Canada par Abacus Data en septembre 2023, 37 % des Canadiens se rendent dans une pharmacie au moins une fois par mois et 23 % discutent avec un pharmacien au moins une fois par mois.
Le champ d’activité des pharmaciens varie d’une région à l’autre du pays, mais il peut comprendre la prescription de médicaments, la substitution thérapeutique et la modification de la posologie, la formulation de médicaments, le régime posologique, etc. Dans toutes les provinces et au Yukon, les pharmaciens peuvent injecter des médicaments et des vaccins. En Alberta et au Québec, ils peuvent même demander et interpréter des tests de laboratoire.
Le champ d’action des pharmaciens continue de prendre de l’ampleur. Tandis que de plus en plus de Canadiens déclarent ne pas avoir de médecin de famille, la majorité des personnes interrogées par Abacus s’entendent pour dire que la diversification de la gamme des services offerts dans les pharmacies, y compris les cliniques sans rendez-vous pour les affections courantes, la vaccination, les tests et les services de laboratoire, la gestion des maladies chroniques et la prescription de contraceptifs, améliorerait l’accès aux soins de santé et la qualité de ces derniers.
De telles ambitions pourraient devenir réalité dans un contexte où les pharmacies locales peuvent prospérer. Dans une lettre ouverte publiée dans le Hill Times, Sandra Hanna, une pharmacienne communautaire propriétaire d’une pharmacie à Guelph, et directrice générale de l’Association canadienne des pharmacies de quartier, fait remarquer ce qui suit :
Au cours des dernières années, les pharmacies et leurs équipes ont joué un rôle de plus en plus important en tant que prestataires de soins de santé primaires, en particulier dans les régions rurales et éloignées…
Par contre, elle met en garde qu’un régime d’assurance-médicaments à payeur unique coûterait un milliard de dollars par an au secteur de la pharmacie, ce qui équivaut à la suppression d’environ 20 millions d’heures de travail des pharmaciens.
En ce moment, les Canadiens bénéficient d’un excellent accès aux pharmacies. Selon les données de l’OCDE, en 2021, le Canada comptait 30 pharmacies pour 100 000 habitants, soit plus de pharmacies que la moyenne de l’OCDE. Dans l’écosystème de santé actuel, pouvons-nous nous permettre de mettre en péril le succès des pharmacies et des pharmaciens? Il s’agit là d’une conséquence involontaire potentielle que nous devrions étudier en comité.
Troisièmement, le régime national universel d’assurance-médicaments envisagé dans le projet de loi C-64 pourrait éroder l’accès aux médicaments et exacerber les pénuries de médicaments. Le Comité permanent de la santé, a entendu plusieurs intervenants qui craignent que, selon le contenu final de la liste nationale des médicaments assurés, le régime national universel d’assurance‑médicaments proposé dans le projet de loi C-64 ait un effet délétère sur la disponibilité des médicaments.
Angelique Berg, présidente et cheffe de la direction de l’Association canadienne de la gestion de l’approvisionnement pharmaceutique, a dit au comité :
[…] Parce qu’ils sont très efficaces, les distributeurs n’auront guère le choix que de réduire les services si le financement est réduit. Ils pourraient, par exemple, cesser de transporter des produits non rentables […] réduire le stock de sécurité […] ou encore réduire la fréquence des livraisons dans les régions où les coûts sont élevés […]
[…] Quand le gouvernement attribue un contrat à un seul fabricant, cette entreprise devient en fait un monopole, de sorte que les concurrents sont peu incités à rester sur le marché. La concentration du pouvoir augmente le risque d’approvisionnement limité, d’où notre inquiétude.
L’Association des pharmaciens du Canada partage la préoccupation de Mme Berg à propos des pénuries de médicaments. Mme Walker a dit ceci :
Une chose que nous avons remarquée, c’est que le nombre de médicaments disponibles pour chaque catégorie peut diminuer considérablement, selon le nombre d’entreprises dans le marché, et nous sommes très susceptibles de connaître une pénurie de médicaments s’il y a seulement un ou deux fabricants qui produisent un médicament donné.
Disons qu’il y a une catastrophe d’ampleur nationale dans un pays où sont produits certains des ingrédients pharmaceutiques actifs et que l’entreprise là-bas ne peut plus produire son médicament, et que les autres entreprises ne sont pas préparées à accroître leur production […] [L]’écosystème est très complexe et […] il faut en tenir compte dans cette approche pour l’assurance-médicaments.
L’Institut économique de Montréal a également exprimé ses inquiétudes quant à la possibilité d’une perturbation de la distribution des médicaments en cas de mise en place d’un régime national universel d’assurance-médicaments au Canada. Selon l’institut :
[…] si certains médicaments ne sont plus couverts par un régime d’assurance, il est fort probable que les compagnies pharmaceutiques cessent leur distribution sur le territoire canadien. La variété de médicaments en circulation au Canada risque donc de diminuer, empêchant les patients précédemment couverts d’avoir accès à ces médicaments, même s’ils étaient disposés à payer de leur poche.
Les pénuries de médicaments ne sont pas rares au Canada. En décembre 2018, j’ai interrogé le leader du gouvernement au Sénat sur une pénurie pancanadienne de l’antidépresseur Wellbutrin. En février 2020, j’ai posé une question sur une pénurie de tamoxifène, un médicament utilisé dans le cadre d’une hormonothérapie pour traiter le cancer du sein. En juin 2020, j’ai posé des questions sur les pénuries de médicaments pour la thyroïde, d’inhalateurs, de médicaments contre l’hypertension et de gouttes pour les yeux en cas de glaucome. En novembre 2022, j’ai posé une question sur une pénurie d’amoxicilline pédiatrique.
Les pharmaciens gèrent déjà des pénuries de médicaments au Canada. Les audiences du comité devraient examiner attentivement les conséquences imprévues d’une diminution du nombre de médicaments disponibles au Canada.
Honorables sénateurs, je vais continuer de parler de certains aspects problématiques de ce plan et des possibles conséquences imprévues.
Le quatrième point sur lequel j’attire votre attention porte sur la politique d’un régime national et universel d’assurance‑médicaments qui est prévue dans le projet de loi C-64. Elle n’inclut aucun mécanisme d’exception permettant à un patient d’avoir accès à un médicament qui ne figure pas dans la liste de médicaments.
John Adams, président du conseil d’administration de la Coalition pour de meilleurs médicaments, a soulevé cette préoccupation lors de sa comparution devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. La Coalition pour de meilleurs médicaments représente 30 organisations de patients, qui représentent des gens atteints de la maladie de Parkinson, d’arthrite, d’hémophilie, la cécité, de cancer et d’autres maladies complexes et rares.
Voici ce qu’il a dit au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes :
[…] les patients ne réagissent pas tous de la même façon à un même médicament. Nous avons besoin d’une certaine variété et d’un certain choix. Le Québec dispose d’un mécanisme qui permet à un médecin de présenter une demande à un comité d’examen scientifique véritablement indépendant de la bureaucratie de la santé pour un médicament dont il sait que le patient a besoin […]
Le régime national d’assurance-médicaments serait grandement amélioré, sur le plan conceptuel, par l’existence de cette soupape de sécurité pour les patients exceptionnels.
Les audiences du comité devraient permettre d’étudier s’il est justifié d’établir des exceptions par rapport à la liste de médicaments et de se pencher sur les mécanismes potentiels en ce sens.
Je passe au cinquième élément. Les coûts d’un programme national et universel d’assurance-médicaments, tel qu’il est décrit dans les principes du projet de loi C-64, pourraient grimper en flèche.
Dans son rapport sur le projet de loi C-64, publié le 15 mai, le Bureau du directeur parlementaire du budget :
[…] suppose que les médicaments actuellement couverts par les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que par les assureurs privés, resteront couverts aux mêmes conditions.
Il déclare ceci, et le choix des mots est très important : « Le programme vise à bonifier et élargir, et non pas remplacer […] »
C’est sur la base de cette hypothèse que le directeur parlementaire du budget a estimé que l’assurance-médicaments universelle nationale augmenterait les dépenses du programme fédéral de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans.
À la séance d’information que m’ont offerte les fonctionnaires du ministère, on m’a assurée que le gouvernement, dans ses accords bilatéraux avec les provinces, négociera pour s’assurer que les provinces maintiennent la couverture de leur propre régime public pour le diabète et la contraception. Cependant, le gouvernement fédéral n’a aucun moyen de garantir que les régimes privés d’assurance-médicaments maintiendront leur couverture.
Selon le directeur parlementaire du budget, si les régimes privés d’assurance-médicaments cessaient de couvrir les médicaments et dispositifs de contraception et de traitement du diabète, les dépenses du régime public feraient plus que doubler. Au lieu de coûter 1,9 milliard de dollars sur cinq ans, le régime coûterait 4,4 milliards de dollars sur cinq ans.
Honorables sénateurs, mis à part les principes d’« universalité » énoncés, les propositions réelles du projet de loi C-64 obligent le ministre de la Santé à effectuer des paiements aux provinces et aux territoires avec lesquels le gouvernement fédéral a conclu des accords bilatéraux pour assurer la couverture de médicaments sur ordonnance spécifiques et de produits connexes destinés à la contraception ou au traitement du diabète.
Le paragraphe 6(1) du projet de loi précise que les paiements sont effectués « dans le but d’élargir toute couverture existante d’un régime d’assurance médicaments public ». Les hypothèses présentées dans le rapport du directeur parlementaire du budget sur le projet de loi C-64 s’appuient le libellé de cette disposition.
D’après le paragraphe 6(1), il semblerait que la couverture de certains médicaments sur ordonnance en particulier et de produits connexes pour la contraception ou le traitement du diabète viendrait compléter les couvertures existantes.
Cela semble contredire d’autres dispositions du projet de loi. Êtes-vous embrouillés? On peine à s’y retrouver! Comme l’a dit Stephen Frank, président et chef de la direction de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes :
[…] au Canada, 27 millions de personnes ont une assurance médicaments privée. Il s’agit d’une couverture très large, beaucoup plus large que celle offerte par le meilleur système public où que ce soit au Canada, et les gens y accordent une grande valeur — 90 % d’entre eux accordent une grande importance à leur couverture — et ils veulent donc la protéger et s’opposent fortement à ce qu’elle soit menacée. Si vous leur demandez quelle est l’approche qu’ils préfèrent et que vous leur donnez le choix, la très grande majorité préférerait que le gouvernement concentre ses efforts là où il y a un besoin.
Chers collègues, serait-il judicieux de remplacer une couverture à laquelle 90 % des Canadiens accordent une grande importance?
Personne ne sait encore trop comment les régimes privés et le nouveau régime public vont se coordonner une fois à la pharmacie. Si le coût d’un médicament est déjà couvert à 80 % par le régime privé d’un patient, le régime public couvrira-t-il les 20 % restants? Couvrira-t-il plutôt la totalité des coûts, ce qui signifie que ces coûts ne seraient plus assumés par les assureurs privés, mais par les contribuables?
Lorsqu’on leur a posé la question, les représentants du ministère ont répondu que ces « détails administratifs » restaient à définir. Dans le cadre de son étude, j’estime que le comité tâchera d’obtenir la réponse à ces questions fondamentales.
La couverture des médicaments sur ordonnance et des produits connexes servant à la contraception ou au traitement du diabète ne sera pas administrée uniquement par le fédéral, contrairement à ce qui se fait pour la nouvelle prestation dentaire. Elle sera plutôt administrée par les provinces et les territoires, à l’aune des ententes bilatérales qui seront conclues.
Or, qui dit ententes bilatérales dit myriade d’obstacles à surmonter. En mars 2023, par exemple, le gouvernement annonçait, comme je l’ai déjà dit, qu’il consacrerait jusqu’à 1,5 milliard de dollars sur trois ans à la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares, qui était censée faire partie de ce régime et qui a pour objectif de faciliter l’accès aux médicaments les plus efficaces contre les maladies rares ou les plus prometteurs et d’en faire baisser le prix.
Un an s’est écoulé depuis, et aucune entente bilatérale n’a encore été signée, ce qui veut dire que cet argent attend encore de pouvoir aider les Canadiens atteints de maladies rares.
Mme Durhane Wong-Rieger, présidente et directrice générale de la Canadian Organization for Rare Disorders, a dit ce qui suit au Comité de la santé de la Chambre des communes :
[…] nous avons constaté que la majeure partie de cet argent, soit 1,4 milliard du 1,5 milliard de dollars, doit être affectée dans le cadre d’accords bilatéraux. […]
Ce que nous savons, c’est que, bien que plus d’un an se soit écoulé, aucun accord n’a été mis en place. Nous ne savons même pas s’il y a eu des discussions à ce sujet. Je ne sais pas s’il s’agit simplement d’une question de bureaucratie, de lourdeur du processus ou de difficulté à obtenir l’accord des provinces. Cependant, ce n’est pas ainsi que les choses doivent se passer.
Mme Wong-Rieger se demandait si les mêmes retards dans le déploiement seraient observés pour des médicaments autres que les médicaments pour les maladies rares. Les enseignements tirés par la Canadian Organization for Rare Disorders seraient utiles pour les audiences du Comité.
Au fil des ans, on nous a dit à quel point il est difficile pour le gouvernement fédéral d’obtenir des provinces des données complètes et comparables même si un accord bilatéral impose la communication de ces données.
Par exemple, à la fin de l’année dernière, quand le Comité des affaires sociales étudiait le projet de loi C-35, Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada, nous avons entendu le témoignage de Gordon Cleveland, le président du Groupe d’experts fédéral sur les données et la recherche sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants du Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. Voici ce qu’il nous a dit :
[…] le problème, c’est que bon nombre de provinces et de territoires n’ont pas la capacité […]
— d’améliorer la collecte des données —
[…] ou n’ont pas rangé cette activité dans leurs priorités. Les rapports qu’ils produisent ne sont pas conformes à ce que prévoyaient les accords. Ils ne fournissent pas d’informations en temps opportun comme nous nous y attendions, et lorsqu’ils le font, il y a des problèmes majeurs de comparabilité.
Si, comme le ministre l’a indiqué, on compte offrir une couverture pour certains médicaments sur ordonnance, des contraceptifs et des produits pour le traitement du diabète dans le cadre d’un projet pilote en vue d’une couverture plus universelle, alors il nous faudra d’excellentes données aux fins d’évaluation. Honorables collègues, au comité, on devrait déterminer si les accords bilatéraux peuvent faciliter la collecte de ces données en prévoyant des exigences à cette fin.
Le gouvernement du Canada lancera des discussions avec les provinces et les territoires au sujet de la liste des médicaments contre le diabète comprise dans un document d’information publié sur le site Web de Santé Canada le 29 février 2024. Dans ce document, le gouvernement a également annoncé son intention de créer un fonds pour travailler avec les partenaires des provinces et des territoires afin de soutenir l’accès de la population canadienne aux fournitures dont les personnes atteintes de diabète ont besoin pour gérer et surveiller leur maladie et administrer leurs médicaments, comme les seringues et les bandelettes de test de glycémie.
De nombreux intervenants ont donné leur avis sur la liste fournie dans le document. L’Association québécoise des pharmaciens propriétaires a fait les observations suivantes :
Si on compare la liste du Québec à celle qui est proposée, bien qu’elle ne soit pas définitive, on constate une perte de plusieurs millions d’ordonnances pour le diabète. […] on gère des ruptures de stock quotidiennement, en pharmacie communautaire. […] Il faudrait vraiment s’assurer que cette liste couvre minimalement la liste du Québec, bien que le Québec soit généreux.
En matière de diabète, une vaste couverture est nécessaire […] Cette […] grande gamme de médicaments couverts est essentielle pour maintenir la santé des Canadiens.
De plus, le fonds proposé pour des fournitures médicales pour les diabétiques n’est pour l’instant rien de plus qu’un engagement. Il ne figure pas dans le projet de loi C-64. Mike Bleskie, porte-parole pour le diabète de type 1, a déclaré au comité de la santé de la Chambre des communes qu’il devait débourser environ 450 $ par mois principalement pour son dispositif de surveillance du glucose en continu, qui n’est pas couvert en Ontario, et pour le matériel nécessaire à sa pompe à insuline. Le projet de loi C-64 n’aiderait pas les diabétiques à couvrir ce genre de dépenses.
Les audiences du comité devraient inclure les conséquences possibles d’une liste aussi limitée et se pencher sur les listes d’autres administrations, tant au Canada qu’à l’étranger.
Chers collègues, le comité devrait aussi se pencher sur trois autres problèmes de taille concernant le projet de loi C-64. Le premier est l’absence de surveillance de la nouvelle Agence canadienne des médicaments.
Le projet de loi C-64 prévoit un rôle important pour l’Agence canadienne des médicaments. La partie 7 du projet de loi C-64 précise que l’Agence canadienne des médicaments conseillera le ministre sur l’efficacité clinique et le rapport coût-efficacité de médicaments sur ordonnance ou de produits connexes comparativement à d’autres options de traitement; les médicaments sur ordonnance ou les produits connexes qui devraient faire partie d’un régime offrant une couverture pour médicaments sur ordonnance au Canada, ainsi que les conditions qui s’appliquent en lien avec celle-ci; la collecte et l’analyse de données relatives à des médicaments sur ordonnance ou à des produits connexes; les renseignements et les recommandations à fournir aux professionnels de la santé et aux patients sur l’utilisation appropriée des médicaments sur ordonnance ou des produits connexes et les améliorations à apporter au système pharmaceutique, y compris au moyen d’une meilleure collaboration entre les partenaires du système de santé, les patients et les autres intervenants. La liste est longue.
L’Agence canadienne des médicaments préparera le formulaire national qui servira de base aux discussions du ministre de la Santé avec les provinces, les territoires, les peuples autochtones et d’autres partenaires et intervenants concernant le régime national universel d’assurance-médicaments. L’Agence élaborera également une stratégie nationale d’achat en gros de médicaments sur ordonnance et de produits connexes.
Le problème, honorables sénateurs, c’est qu’on a créé l’Agence canadienne des médicaments à la demande du ministre de la Santé, et non pas par voie législative. Il convient de se demander sérieusement si l’Agence ne devrait pas plutôt être soumise à la surveillance parlementaire, à la Loi sur l’accès à l’information, à des examens de la vérificatrice générale et à des interventions d’un ombudsman des patients.
Lors de son témoignage devant le Comité permanent de la santé, John Adams, de la Coalition pour de meilleurs médicaments, a apporté des précisions, disant :
Le projet de loi confère au ministre de nouveaux pouvoirs importants. On pourrait l’améliorer en instaurant diverses formes de transparence et de reddition de comptes…
… je pense qu’il s’en remet trop à la boîte noire qu’on appelle l’Agence canadienne des médicaments et qu’il ne prévoit pas de mécanismes de transparence ou de reddition de comptes sur ce qui pourrait devenir un rôle très important dans la réforme du système.
Le deuxième grand problème, c’est que, bien que l’Agence conseille le ministre sur la création du formulaire national, les décisions concernant les médicaments qui y seront inclus seront en fin de compte prises par le ministre. Il s’agit là d’un pouvoir extraordinaire.
Pendant son témoignage devant le comité de la santé, Linda Silas, présidente de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers, a déclaré :
[…] lorsque j’ai rencontré le ministre hier, je lui ai dit que ce n’était pas vraiment son rôle de décider ce qui figure sur le formulaire et quel médicament prescrire pour le diabète, et qu’un groupe d’experts devrait s’en occuper.
Le comité devrait examiner, pendant les audiences, s’il est approprié que le ministre détermine, sur les conseils d’un organisme qui n’est pas surveillé par le Parlement, quels médicaments et dispositifs figureront dans le formulaire national.
Le troisième problème fondamental que pose le projet de loi C-64 tient au manque de définitions. Cette préoccupation a été soulevée par beaucoup de députés et d’intervenants pendant l’étude du Comité de la santé.
Le paragraphe 6(1) du projet de loi charge le ministre d’effectuer des paiements aux provinces ou aux territoires :
[…] dans le but d’élargir toute couverture existante d’un régime d’assurance médicaments public — et d’offrir une couverture universelle au premier dollar à payeur unique — en ce qui concerne des médicaments sur ordonnance et des produits connexes destinés à la contraception ou au traitement du diabète.
Le projet de loi ne définit toutefois pas les termes « universelle », « payeur unique » ou « premier dollar », ce qui entraîne une confusion inutile. Le comité devrait, dans le cadre des audiences, considérer la possibilité d’apporter des amendements pour ajouter des définitions.
Selon la Loi canadienne sur la santé :
La condition d’universalité suppose qu’au titre du régime provincial d’assurance-santé, cent pour cent des assurés de la province ait droit aux services de santé assurés prévus par celui-ci, selon des modalités uniformes.
C’est ainsi que les Canadiens comprennent le terme « universel » depuis 1985.
Même si les Canadiens ont peut-être une idée de ce que signifie « payeur unique », il faut définir le terme. Comme l’explique un article paru en 2017 dans le Journal of General Internal Medicine :
Les régimes à payeur unique sont hétérogènes. Il importe de définir ce qu’on entend par payeur unique et d’établir les caractéristiques variables pour avoir des discussions politiques nuancées sur des propositions de réforme précises.
Le gouvernement devrait être invité à fournir une définition précise de « payeur unique » afin que le terme puisse être défini dans le projet de loi C-64.
Le terme « premier dollar » sème aussi la confusion. Au Comité permanent de la santé, Mme Michelle Boudreau, sous-ministre adjointe déléguée de la Direction générale de la politique stratégique de Santé Canada, a expliqué ceci :
« Premier dollar » signifie que, dès qu’un événement assurable survient — dans ce cas, une ordonnance qui a été remplie —, l’assurance s’appliquerait; c’est-à-dire que la couverture s’appliquerait avant tout autre paiement.
De façon semblable, l’Association médicale canadienne définit la couverture au premier dollar ainsi : « Services de santé entièrement couverts par un régime public d’assurance maladie, sans frais pour les patients et patientes. » Cela semble indiquer qu’il n’y aura pas de coordination des prestations lorsqu’un patient a une assurance privée.
Si la couverture publique s’applique avant la couverture privée, le gouvernement n’a pas prévu de fonds suffisants pour son programme :
Dans le budget de 2024, le gouvernement propose de fournir 1,5 milliard de dollars sur cinq ans, à compter de 2024-2025, à Santé Canada afin de soutenir l’établissement du régime national d’assurance médicaments.
Le directeur parlementaire du budget, quant à lui :
[…] estime que la première phase du régime d’assurance médicaments national universel augmentera les dépenses du programme fédéral de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans.
Cependant, il faut se rappeler que l’estimation du directeur parlementaire du budget :
[…] suppose que les médicaments actuellement couverts par les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que par les assureurs privés, resteront couverts aux mêmes conditions.
Si les contraceptifs et les médicaments contre le diabète qui sont actuellement couverts par les compagnies d’assurance privées sont plutôt couverts par le régime public, le directeur parlementaire du budget estime que cette phase de l’assurance-médicaments coûtera 4,4 milliards de dollars. Il y aurait donc un déficit budgétaire de 2,9 milliards de dollars.
Le gouvernement doit expliquer ce qu’il entend précisément par « premier dollar », et le comité devrait envisager d’amender le projet de loi pour y inclure la définition de ce terme.
Le rapport Hoskins indique ceci :
Le Canada est le seul pays au monde à offrir des soins de santé universels en omettant la couverture universelle pour les médicaments d’ordonnance.
Cependant, chers collègues, la couverture universelle n’est pas nécessairement synonyme de couverture à payeur unique. On peut appuyer la couverture universelle sans appuyer un régime financé exclusivement par le gouvernement fédéral.
En conclusion, honorables sénateurs, quand le projet de loi C-64 sera renvoyé au comité, il y aura beaucoup de questions à examiner, même en ce qui concerne le fond de ce qui est proposé dans la mesure législative. S’agit-il vraiment d’un régime universel, tel que nous comprenons le concept, ou d’un régime qui vise à combler des lacunes? Il semble qu’il y ait une certaine confusion, même sur ces principes.
Chers collègues, les Canadiens comptent sur nous.
Je vous remercie de votre attention et je me réjouis à la perspective d’examiner le projet de loi au comité.