November 1, 2016
Ariane Lacoursière, Tommy Chouinard, la Presse
Publié le 31 octobre 2016 à 14h39
Affirmant que le rattrapage salarial des médecins du Québec avec leurs collègues canadiens «est fait», le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, invite les fédérations médicales à rouvrir leurs ententes.
«J’en appelle à leur conscience sociale (…) La viabilité de notre système de santé est en jeu», a déclaré ce matin le ministre Barrette, annonçant du coup l’ouverture des négociations avec les médecins, dont l’entente est échue depuis le 31 mars 2015.
Alors qu’il était président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, Gaétan Barrette a lui-même négocié des hausses de rémunération qui ont par la suite été étalées dans le temps. Depuis 2011, la hausse annuelle de la rémunération des médecins québécois s’est élevée en moyenne à 7,4 %. D’autres hausses sont prévues jusqu’en 2021, alors que la rémunération totale des médecins atteindra 9 milliards par année. À cela s’ajoute une clause remorque qui permettra aux médecins de bénéficier des hausses accordées aux employés de l’État.
Selon le ministre Barrette, si rien ne change, la rémunération des médecins québécois dépassera la moyenne canadienne. «Le statu quo est inacceptable», dit-il.
M. Barrette se défend de «renier» les ententes qu’il a lui-même négociées. «Mais on invite les fédérations médicales à mettre à jour ces ententes sur la base de sa finalité, soit le rattrapage et non le dépassement de la moyenne canadienne», dit-il.
Le ministre Barrette mentionne que lors des négociations des ententes sur la rémunération des médecins en 2006, l’objectif était de «rattraper la moyenne canadienne pour faire en sorte que la rémunération soit compétitive» au Québec.
Selon des données présentées par le ministre, les dépenses per capita pour les médecins s’élèvent aujourd’hui à 875 $ au Québec, soit un écart de -10,9 % avec l’Ontario. «Ça indique que le rattrapage est fait», dit le ministre.
Écart de rémunération entre les médecins du Québec et du reste du Canada
Année | % d’écart |
---|---|
1975 | – 10 % |
1991 | – 70 % |
2006 | – 47 % |
2015 | – 10,9 % |
Pour M. Barrette, le rattrapage avec les autres provinces «s’est accéléré» au cours des dernières années, notamment parce que les hausses de rémunération des médecins des autres provinces ont «ralenti» ces dernières années.
Le ministre explique que l’Alberta vient de signer une entente prévoyant des hausses de 1,5 % sur deux ans pour ses médecins et que l’Ontario a quant à elle une entente prévoyant des hausses de 2,5 % sur cinq ans. «Donc si la tendance se maintient, le Québec va rattraper l’Ontario et à terme, la moyenne canadienne», dit M. Barrette.
Pour lui, la précédente négociation visait «le rattrapage et non le dépassement» des autres provinces. «C’est dans cet esprit qu’on invite les fédérations à la négociation (…) Cette négociation doit se conclure dans l’intérêt des Québécois, tout en payant adéquatement les médecins», affirme le ministre, qui estime avoir l’appui de la population et d’une «majorité de médecins» avec cette demande.
Pour la députée péquiste et porte-parole en matière de santé, Diane Lamarre, la sortie du ministre Barrette prouve «l’échec» des négociations qu’il a pilotées en 2014 pour étaler les hausses de rémunération.
«Ça montre l’absurdité, l’incompatibilité de cette négociation-là par rapport à la capacité de payer du Québec», a-t-elle dit.
Selon elle, M. Barrette n’est «pas apte à négocier» avec les fédérations médicales. «On ne peut pas permettre à ce ministre de faire la négociation seul la prochaine fois», a-t-elle dit.
Elle demande qu’un groupe d’experts supervise les pourparlers pour, entre autres, s’assurer que les services à la population soient améliorés. Selon elle, M. Barrette n’est allé chercher aucune garantie d’un meilleur accès aux services en échange des hausses de rémunération dans le passé.
La rémunération des médecins doit être gelée, a-t-elle ajouté, reprenant un engagement pris par son chef Jean-François Lisée lors de la campagne à la direction du PQ.
Respecter les ententes
La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) estime pour sa part que Québec «doit respecter les engagements convenus».
«Il y en va de l’honneur et de la réputation de l’État québécois», plaide la FMOQ dans un communiqué publié lundi après-midi.
«Les médecins de famille québécois ont de tout temps agi de manière responsable, et leur Fédération continuera à le faire dans toute négociation future. Cela dit, nous nous attendons, comme partie négociante, à ce que le gouvernement fasse de même. Et cela commence par le respect des ententes actuellement en vigueur et négociées de bonne foi entre les parties en 2011 et en 2014. Après tout, si l’État renie continuellement sa signature et ses engagements, comment faire confiance à nos élus dans un tel contexte et à quoi bon négocier tout simplement», affirme le président de la FMOQ, le Dr Louis Godin.