Discours et déclarations

Le transport des hydrocarbures

26 mars 2014

La sécurité ferroviaire au Canada : rapport ENEV à la suite de la catastrophe de Lac-Mégantic.

Honorables sénateurs, le 4 mars, le  sénateur Neufeld a attiré l’attention du Sénat sur le douzième rapport du Comité  sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources  naturelles. Il nous a fait part de ses réflexions sur les buts et l’objet de ce  rapport. C’est avec plaisir que je ferai de même. Le rapport, qui s’intitule Transporter l’énergie en toute sécurité : Une étude sur la sécurité du transport  des hydrocarbures par pipelines, navires pétroliers et wagons-citernes au Canada,  est un exemple exceptionnel du type de travail que nous effectuons en tant que  sénateurs.

En juillet 2012, le comité a terminé une étude d’une durée de trois ans sur  l’état actuel et l’avenir du secteur canadien de l’énergie. Au cours de cette  étude, on s’est aperçu qu’il existait des lacunes dans les renseignements  concernant le transport en vrac des hydrocarbures au Canada.

Les membres du comité ont convenu que cette question était très importante  pour les Canadiens et qu’elle devait faire l’objet d’une enquête approfondie. Le  28 novembre 2012, le comité a demandé l’autorisation d’étudier trois modes de  transport en vrac des hydrocarbures au Canada : les pipelines, les navires  pétroliers et les wagons-citernes. Voici ce que dit le rapport :

L’objectif était d’examiner l’état actuel des plans de prévention et d’urgence en cas de déversements, ainsi que les régimes réglementaires encadrant la préparation et les interventions en matière d’urgence relevant de la compétence fédérale, et de faire des recommandations afin d’améliorer la sécurité du public et la protection de l’environnement.

Cet objectif a été fixé dans un contexte de préoccupations croissantes au  sujet de l’expansion rapide de la production pétrolière et gazière. Dès le  départ, il est apparu évident que le comité allait mener une étude qui non  seulement tombait à point nommé, mais qui était aussi essentielle pour la  planification et la réglementation futures de ce secteur.

Les membres du comité ont effectué plusieurs voyages d’études au Canada. Ils  se sont rendus notamment à Calgary, Hamilton, Saint John, Halifax, Vancouver,  Seattle et Valdez, en Alaska. Durant les 18 audiences, ils ont entendu 51  témoins experts, dont des responsables de la réglementation provinciaux et  fédéraux, des représentants de l’industrie, des ingénieurs, des scientifiques,  des représentants d’organismes d’intervention en cas de déversements, des  membres des Premières Nations et des représentants de groupes environnementaux.

Les témoignages ont été très variés et instructifs. Des témoins de  l’industrie ont parlé de leurs bilans en matière de sécurité; des équipes  d’intervention en cas de déversements en milieu marin ont décrit leur capacité à  contenir et à nettoyer un déversement; et des groupes environnementaux se sont  dits inquiets de ce qui pourrait se passer en cas de déversement de bitume en  milieu naturel.

Au début de l’étude, les pipelines étaient au cœur des discussions dans les  médias et ailleurs. Cependant, la décision du comité d’étudier trois modes de  transport du pétrole et du gaz, en particulier le chemin de fer, s’est avérée  très sage. Tout au long de l’étude, le comité a appris que le transport de  produits pétroliers bruts et d’autres marchandises dangereuses par chemin de fer  n’était pas nouveau au Canada, mais qu’il avait connu une croissance phénoménale  au cours des dernières années. Selon l’industrie ferroviaire, 160 000  wagons-citernes de pétrole brut ont été transportés en 2013, contre seulement  500 en 2009.

Le 6 juillet, soit 16 jours seulement après que le comité ait entendu son  dernier témoin, un train à la dérive transportant 72 wagons- citernes de pétrole  brut a déraillé dans le centre-ville de Lac- Mégantic, tuant 47 personnes. Cet  événement fut un point tournant dans la sensibilisation de la population au  transport ferroviaire.

Soudainement, les mêmes questions que le comité avait posées à des témoins  ont circulé dans les médias nationaux. Qui est responsable en cas de  déversement? Quelles sont les règles qui encadrent l’amélioration des mesures de  sécurité à l’égard des wagons DOT-111? L’industrie et les organismes de  réglementation ont-ils donné suite aux recommandations faites en décembre 2011  par le commissaire à l’environnement et au développement durable?

La section du rapport Transporter l’énergie en toute sécurité qui  porte sur le transport ferroviaire aborde ces questions importantes et présente  des recommandations concrètes sur les mesures à prendre. Le comité recommande ce  qui suit :

Que Transports Canada impose des seuils minimaux pertinents pour la couverture d’assurance responsabilité afin de faire en sorte que les compagnies ferroviaires aient la capacité financière nécessaire pour couvrir les dommages causés par un incident majeur.

 

Que Transports Canada revoie, en collaboration avec le département des Transports des États-Unis, l’utilisation des wagons-citernes répondant à une norme appelée CTC-111A et DOT-111 et envisage d’accélérer l’adoption progressive de la nouvelle norme.

Le comité recommande aussi ceci :

Que Transports Canada mette en œuvre toutes les recommandations formulées par le commissaire à l’environnement et au développement durable dans son rapport de décembre 2011 sur le transport ferroviaire des marchandises dangereuses.

Notons également que la force de ce rapport va au-delà de la liste de  recommandations. Comme l’indique la section sur le transport ferroviaire, le  comité a jeté un regard d’ensemble sur l’industrie et sur le statut particulier  de ce réseau de transport.

Contrairement à d’autres industries, l’industrie ferroviaire peut « acheminer  [son] fret pratiquement n’importe où », et sa « capacité à répondre rapidement à  la demande avec des options d’affrètement flexibles » offre une stabilité qui  permet de s’adapter à l’évolution du marché.

Le réseau ferroviaire s’étend jusque dans les régions éloignées. Il offre un  complément au réseau d’oléoducs en assurant la livraison dans certains créneaux  commerciaux. N’oublions pas que c’est le chemin de fer qui a unifié le pays;  c’est un élément essentiel de notre histoire et de notre avenir. Cependant, il  ne fait aucun doute que les événements tragiques de Lac-Mégantic ont changé la  façon dont les Canadiens perçoivent le transport ferroviaire des marchandises  dangereuses. Ces événements nous ont notamment obligés à réévaluer les mesures  prises par l’industrie pour assurer la sécurité et en faire la promotion. Au  comité, des témoins de l’industrie ferroviaire ont parlé abondamment de la «  culture de la sécurité » qui est au cœur de tous les aspects de leur culture  d’entreprise.

De plus, des experts en sécurité ont présenté au comité le modèle du fromage  suisse établissant la causalité des accidents, où les moyens de défense contre  les accidents sont représentés par des tranches de fromage suisse. La taille et  la position des « trous » dans les moyens de défense d’une entreprise peuvent  varier; ils illustrent le degré de vulnérabilité de chacun des moyens de  défense. En général, un accident est causé par une série de défaillances, aux  points faibles des défenses de l’entreprise. Si, en présence d’une menace ou  d’un danger, les points faibles s’alignent momentanément, un accident se  produit.

Comment peut-on minimiser le risque d’une défaillance ou d’un accident?

Selon le témoignage des experts en sécurité, chaque entreprise doit veiller à  déterminer et à évaluer toutes les petites défaillances dans ses activités.  L’Office national de l’énergie a dit au comité qu’il revient aux dirigeants de  promouvoir une culture de la sécurité dans leur organisation. Cela signifie,  entre autres, d’autoriser les employés de première ligne à remettre en question  les procédures et d’éclaircir, en tout temps, les questions relatives à la  sécurité. Selon les experts en sécurité, ce genre de leadership crée un milieu  propice à l’apprentissage continu et à la compréhension, où les lacunes des  moyens de défense peuvent être repérées avant qu’un accident se produise.

Les Canadiens demeurent sans doute préoccupés par la série catastrophique de  ratés survenue le 6 juillet. Il faut que toutes les parties — c’est-à-dire  l’industrie, les organismes de réglementation et le gouvernement — les rassurent  quant aux précautions mises en place pour minimiser le risque de récurrence. On  sait que gagner l’approbation du public peut prendre des années et il suffit de  quelques instants pour la perdre.

Honorables sénateurs, le désastre de Lac-Mégantic a été sans précédent. Dans  son rapport, le comité se demande si cet événement suscitera une réforme  importante de l’industrie ferroviaire, de l’ampleur de celle que le déversement  de l’Exxon Valdez a entraînée pour le transport maritime.

Il est indéniable que des progrès ont été accomplis. Des améliorations ont  été faites jusqu’à présent, comme le resserrement des normes relatives aux  wagons-citernes DOT-111, des pressions pour de nouveaux plans d’intervention  d’urgence relativement au transport du pétrole brut et une meilleure  communication entre les municipalités et les compagnies ferroviaires.

Il reste encore du travail à faire, mais je suis convaincue que nous  disposons des renseignements nécessaires pour élaborer de solides règlements qui  orienteront les efforts déployés par l’industrie pour protéger les Canadiens et  l’environnement. Je suis persuadée que nous verrons les répercussions positives  de ces changements dans un avenir rapproché et je suis sûre, honorables  sénateurs, que ce rapport a grandement contribué à améliorer la sécurité  ferroviaire au Canada.

Merci.