6 décembre 2022
L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, c’est par un froid mercredi après-midi qu’un jeune homme est entré à l’École Polytechnique de Montréal armé d’une carabine de calibre .223. C’était le 6 décembre 1989. Il est entré dans une classe remplie d’étudiants en génie et il a immédiatement ordonné aux six femmes qui s’y trouvaient de se diriger à l’arrière du local et aux hommes de partir. Il a aligné les femmes côte à côte en criant : « Vous êtes toutes une gang de féministes, j’haïs les féministes. » Il a brandi son fusil, l’a pointé vers la tête de la première femme et lui a tiré une balle dans le front. Il a fait de même aux cinq autres femmes à ses côtés. Les coups de feu ont retenti dans les couloirs. Les étudiants qui se trouvaient aux alentours ont entendu les hurlements d’horreur et se sont précipités pour trouver de l’aide.
En ce jour sombre, 14 femmes ont péri. Dans sa note de suicide, le tireur a déclaré que les femmes n’avaient pas leur place en génie, parce qu’elles prendraient des emplois aux hommes, que les féministes lui gâchaient la vie et que son intention était de mettre fin aux jours de toutes les femmes du Département de génie.
Aujourd’hui, en cette Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes, je veux rendre hommage à ces 14 femmes courageuses qui ont perdu la vie il y a 33 ans. Leur seule faute a été d’avoir osé rêver d’être ingénieure. Michèle Thibodeau-DeGuire a été la première femme à obtenir un diplôme du programme de génie civil à l’École Polytechnique de Montréal. Lorsqu’on lui a demandé quel serait un remède possible à la violence faite aux femmes, elle a dit qu’une façon d’aller de l’avant après un événement comme celui-là est de continuer à encourager les filles et les femmes à rester dans des domaines comme le génie.
Les femmes demeurent sous-représentées dans le domaine du génie, mais, en 2020, le département de génie de la Polytechnique a franchi un cap important. Cette année-là, un peu plus de 30 % des diplômés en génie étaient des femmes.
Honorables sénateurs, étonnamment, la violence contre les femmes demeure, aujourd’hui encore, bien trop courante. Selon l’Organisation mondiale de la santé, une femme sur trois subira une forme de violence dans sa vie, la plupart du temps de la part de son partenaire. Il ne faut pas réfléchir bien longtemps pour se rappeler toutes les attaques et les actes de violence perpétrés récemment contre des jeunes femmes dans le monde. Vous-mêmes, vous vous souvenez sans doute de quelqu’un, peut-être même d’une personne que vous connaissez.
Le 6 décembre est une occasion pour les Canadiens de réfléchir au phénomène de la violence contre les femmes dans notre société et de rendre hommage aux femmes, comme les 14 étudiantes mortes un mercredi après-midi, à Montréal, il y a 33 ans. Voici leurs noms : Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne-Marie Edward, Maud Haviernick, Barbara Klucznik-Widajewicz, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne-Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St-Arneault et Annie Turcotte.