Discours et déclarations

Discours final sur le projet de loi C-7, qui modifie les dispositions du Code criminel portant sur l’aide médicale à mourir

16 mars 2021

Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du message que l’autre endroit nous a fait parvenir au sujet du projet de loi C-7, qui modifie les dispositions du Code criminel portant sur l’aide médicale à mourir, et je vous expliquerai pourquoi je suis dans l’impossibilité de l’appuyer.

Notre tâche première, à nous parlementaires, consiste à étudier les projets de loi, à en débattre et à les amender au besoin. Pour ce faire, nous devons tenir compte de deux éléments fondamentaux de chacun des textes législatifs qui nous sont soumis : leur principe et leur portée.

Le « principe » correspond « à l’objet [du projet de loi] ou à la fin qu’il vise à réaliser ». Selon le guide de la Chambre des communes sur l’amendement des projets de loi et La Procédure du Sénat en pratique :

Le principe du projet de loi est établi lors de son adoption à l’étape de la deuxième lecture. Tout amendement qui contredit le principe du projet de loi est irrecevable.

La « portée », elle, correspond :

[…] aux paramètres fixés par le projet de loi pour atteindre les buts ou objectifs visés, ou aux mécanismes généraux envisagés pour parvenir aux fins voulues.

Comme le Président Kinsella l’a rappelé au Sénat dans la décision qu’il a rendue le 9 décembre 2009 et qui guide depuis les délibérations de notre assemblée :

[Un] amendement respecte le principe et la portée du projet de loi en plus d’être pertinent.

Ce principe est énoncé à la page 141 de La Procédure du Sénat en pratique :

Il existe un principe fondamental : « le vote de la Chambre en faveur du principe du projet de loi, lors de son adoption en deuxième lecture, lie le comité. Il ne doit pas, par conséquent, proposer des amendements qui portent atteinte à ce principe. »

Dans mon propre discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-7, j’ai décrit le contexte historique qui a précédé la présentation de cette mesure législative et pressé le Sénat de continuer à se concentrer sur l’unique objectif du projet de loi C-7, c’est-à-dire de donner suite à la décision de la Cour supérieure du Québec. La tâche qui nous incombait était claire : il fallait trouver comment se conformer à la décision Truchon de manière à respecter l’autonomie, la liberté et la dignité de personnes compétentes souffrant d’une maladie grave et irrémédiable tout en protégeant les plus vulnérables.

Pourtant, au cours des dernières semaines, nous avons été bien au-delà de cette tâche et présenté des amendements dont on peut dire qu’ils dépassent à la fois le principe et la portée du projet de loi C-7 dont nous étions saisis.

Honorables sénateurs, des modifications qui changent considérablement le régime canadien d’aide médicale à mourir prescrit en 2016 requièrent une étude et un examen sérieux. C’est pour cette raison que nous avons amendé le projet de loi C-14 afin d’inclure deux importantes dispositions.

La première porte sur la réalisation d’un examen indépendant, mené par le ministre de la Justice et la ministre de la Santé, sur les questions liées aux demandes d’aide médicale à mourir présentées par les mineurs matures et aux demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale évoquée.

La deuxième disposition concerne la mise sur pied d’un comité du Sénat, de l’autre endroit, ou des deux Chambres du Parlement, cinq ans après que la loi a reçu la sanction royale, afin d’examiner les dispositions du projet de loi C-14 et la situation des soins palliatifs au Canada.

Honorables sénateurs, il est important de noter que la première disposition est déjà chose faite.

Le 12 décembre 2018, le Conseil des académies canadiennes a diffusé les trois rapports finaux du groupe d’experts, portant sur chacun des types de demande : L’état des connaissances sur l’aide médicale à mourir pour les mineurs matures, L’état des connaissances sur les demandes anticipées d’aide médicale à mourir et L’état des connaissances sur l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué.

Les rapports finaux du groupe d’experts tiennent compte d’un large éventail de connaissances, d’expériences et de perspectives provenant de professionnels de la santé, de diverses disciplines et de groupes de défense. Ces rapports devaient servir de point de départ à l’examen quinquennal obligatoire, qui devait commencer à l’été 2020.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas ignorer nos responsabilités de parlementaires et de législateurs, ni y renoncer. Nous devons examiner les trois rapports finaux du groupe d’experts publiés par le Conseil des académies canadiennes, et avoir l’assurance, avant tout, que nous avons rempli nos obligations par rapport aux dispositions du projet de loi C-14.

L’amendement d’une nouvelle mesure législative pour exercer un pouvoir accordé par une mesure législative déjà en vigueur — dans ce cas-ci, l’examen quinquennal obligatoire du projet de loi C-14 — sape dans mon esprit l’autorité du Parlement et crée un dangereux précédent.

Chers collègues, voilà pourquoi je n’ai pas appuyé le projet de loi C-7 tel qu’amendé par le Sénat à l’étape de la troisième lecture, et voilà pourquoi je ne peux pas en appuyer la version proposée dans le message de la Chambre. Merci.