18 septembre 2018
L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du projet de loi S-248, Loi instituant la Journée nationale des médecins, à l’étape de la deuxième lecture. Ce projet de loi ferait du premier jour de mai de chaque année la Journée nationale des médecins, laquelle journée permettrait aux Canadiens de rendre hommage aux médecins et aux résidents en médecine du pays et de souligner leur contribution au traitement des malades, à la recherche, à l’enseignement de la médecine et à l’innovation.
Il est facile d’oublier les sacrifices que les médecins doivent régulièrement faire au nom de leurs patients, comme passer moins de temps avec leurs proches, travailler de longues heures ou porter le poids des nombreuses décisions dont dépendent souvent la mort ou la survie d’une personne. La Journée nationale des médecins mettrait en lumière l’altruisme dont les médecins font montre au quotidien, en plus de faire ressortir la multitude de problèmes qui accablent le réseau de la santé. Selon un sondage mené récemment par l’Association médicale canadienne, 54 p. 100 des médecins montrent des signes d’épuisement professionnel. Bon nombre d’entre eux sacrifient leur vie personnelle pour offrir les meilleurs soins qui soient à leurs patients, et ce, dans un réseau qui aurait grand besoin d’une réforme de fond en comble.
Dans le rapport qu’il a rendu public en 2015, le Groupe consultatif sur l’innovation des soins de santé, mis sur pied par le gouvernement fédéral, recense certains des problèmes systémiques que doivent affronter les médecins, y compris la manière dont la réglementation excessive et les mesures incitatives, par les effets indésirables qu’elles ont parfois, peuvent nuire à leur créativité et étouffer leur sens de l’innovation. Le rapport ajoute que, malgré l’énorme contribution des médecins au réseau canadien de la santé, le mode actuel de financement de ce même réseau et la manière dont il est organisé empêchent les médecins de faire preuve de davantage de leadership.
Célébrons le labeur incessant des médecins et la manière dont ils aident leur prochain, mais n’oublions pas pour autant les contraintes que leur impose le réseau au sein duquel ils pratiquent leur métier, car, en plus de miner leur satisfaction professionnelle, ces contraintes peuvent nuire à la qualité des soins offerts aux Canadiens.
Néanmoins, la Journée nationale des médecins représente une occasion où on peut accorder aux réalisations des médecins l’attention nationale qu’elles méritent. Il s’agit aussi d’une occasion de célébrer les pionniers de la profession, surtout ceux qui ont frayé la voie à la communauté médicale diversifiée et dynamique qui existe aujourd’hui au Canada.
Le parrain du projet de loi, le sénateur Eggleton, a parlé au Sénat de la Dre Emily Stowe, la première femme à pratiquer la médecine au Canada. La Dre Stowe a mérité sa place dans les annales médicales, et il est tout indiqué que le projet de loi marque son anniversaire. Il serait toutefois négligent de notre part de ne pas profiter de cette occasion pour reconnaître d’autres personnes qui ont également fait œuvre de pionnières à une époque où les femmes qui cherchaient à percer dans ce domaine suscitaient beaucoup de doutes et de suspicion.
En tant que fière Montréalaise et diplômée de l’Université McGill, j’aimerais vous faire part de l’histoire de la Dre Maude Abbott, une pionnière inébranlable qui était dévouée à la science et qui a ouvert la voie aux futures générations de femmes dans le domaine de la médecine. Après avoir obtenu son diplôme de la faculté des arts de l’Université McGill en 1890, on lui a interdit de poursuivre des études en médecine parce qu’elle était une femme. Nullement découragée, elle a étudié à l’Université Bishop’s et a reçu son doctorat en médecine en 1894. Elle a ensuite ouvert une clinique indépendante pour les femmes et les enfants, où elle a effectué des recherches de première main sur les cardiopathies chez les nouveau-nés.
La Dre Abbott a finalement été embauchée par l’Université McGill pour enseigner au Département de pathologie, où elle a publié des travaux révolutionnaires sur la cardiopathie congénitale. Sa publication de 1936, Atlas of Congenital Cardiac Disease, a jeté les bases de la chirurgie cardiaque moderne. À titre de conservatrice du Musée médical de l’Université McGill, elle a mis au point de nouvelles méthodes d’enseignement de la pathologie. Même si elle était célèbre dans le monde entier, la Dre Abbott n’a jamais été promue au-delà du poste de professeure adjointe.
En 2018, la province natale de Maude, le Québec, est devenue la première province au Canada à compter plus de femmes que d’hommes qui pratiquent la médecine. Les femmes ont fait d’énormes progrès dans ce domaine, mais les femmes médecins continuent d’être moins bien rémunérées que leurs homologues masculins et elles sont moins susceptibles d’obtenir les plus hautes fonctions au sein des hôpitaux et des milieux universitaires.
L’équilibre entre les sexes qui subsiste au sein de la direction médicale rend les réalisations de Maude encore plus remarquables. Il faut tenir compte du fait que, plus de 100 ans après sa nomination à la faculté de médecine de McGill, seulement 2 facultés de médecine sur 18 au Canada sont présidées par une doyenne et que, plus tôt cette année, l’Association médicale canadienne a accueilli sa toute première présidente.
On peut en faire davantage pour encourager d’autres femmes comme Maude à devenir des chefs de file dans le domaine de la médecine. On peut en dire autant pour les nouveaux Canadiens, qui sont nombreux à avoir de la difficulté à trouver du travail dans le domaine médical malgré leur formation internationale.
Il est prouvé qu’une main-d’œuvre médicale diversifiée est bénéfique pour les soins aux patients, et nos progrès devraient nous encourager. Or, nous ne devons pas oublier que notre système de soins de santé surchargé et désuet a lui-même désespérément besoin d’une réforme.
J’espère que, à l’occasion des célébrations de la Journée nationale des médecins, nous soulignerons le chemin que nous avons parcouru tout en réfléchissant aux défis qui nous attendent. Pour cette raison, honorables sénateurs, je vous exhorte à appuyer le projet de loi S-248 à l’étape de la deuxième lecture. Merci.