29 novembre 2018
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion de ma collègue, la sénatrice Miville-Dechêne, qui demande au Sénat de réaffirmer l’importance des deux langues officielles comme fondement de notre fédération.
Comme je suis Montréalaise de troisième génération et membre de la communauté anglophone du Québec, une communauté linguistique minoritaire, c’est un enjeu qui me tient grandement à cœur.
Le bilinguisme, façonné par la riche histoire et le développement du Canada, est depuis toujours au cœur de notre identité nationale. Cela a commencé au début des années 1500, lorsque Jacques Cartier a traversé l’océan Atlantique et a découvert la beauté du golfe du Saint-Laurent et les berges du fleuve Saint-Laurent. Il a vu les endroits qui allaient devenir Québec et Montréal et a fièrement choisi d’y vivre. Par la suite, le père de la Nouvelle-France, Samuel de Champlain, a établi la première colonie française en territoire canadien au début des années 1600.
À partir de la fin du XVe siècle, des voyageurs français et britanniques ont exploré le futur Canada, se sont battus pour ce pays et l’ont construit. Au fil des siècles, des éléments des cultures et des langues autochtones, française et anglaise se sont entremêlés pour former notre riche identité canadienne. Aujourd’hui, nous sommes reconnaissants à ces anciens voyageurs d’avoir établi le Canada, un pays auquel nous sommes profondément attachés.
Honorables sénateurs, la dualité linguistique est le lien qui unit le Canada. Son origine remonte à plus de 150 ans. Les Pères de la Confédération ont reconnu l’importance d’inclure dans la Loi constitutionnelle de 1867 des mesures visant à protéger le droit des anglophones et des francophones de s’exprimer dans la langue de leur choix. C’est grâce à leurs efforts que l’article 133 figure dans la Loi constitutionnelle de 1867. Cet article garantit le bilinguisme législatif, c’est-à-dire le droit de s’exprimer en anglais et en français au Parlement fédéral, à l’Assemblée législative du Québec, devant les tribunaux québécois et devant les tribunaux fédéraux.
L’article 133 est toujours en vigueur aujourd’hui.
En 1969, une autre page d’histoire a été écrite lorsque le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les langues officielles, la pierre angulaire du bilinguisme institutionnel. Cette loi a consolidé l’égalité de statut des deux langues officielles du Canada, l’anglais et le français. Elle a incité les communautés anglophones et francophones du pays non seulement à coexister, mais aussi à se compléter, ainsi qu’à favoriser la compréhension mutuelle.
Les communautés de langue officielle en situation minoritaire, qu’elles soient anglophones ou francophones, jouent un rôle fort positif au Canada, un pays renforcé par sa dualité linguistique et culturelle.
Permettez-moi de citer le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge :
Pour la dualité linguistique au pays, il y aurait deux ingrédients essentiels : le respect et la reconnaissance. Et cela passe par l’égalité des deux langues officielles. On doit permettre l’expression des deux langues ainsi que leur visibilité. Cela fait partie de notre identité canadienne et de la réputation internationale dont nous jouissons.
Je prends la parole aujourd’hui à titre de fière membre de la minorité linguistique anglophone du Québec, une communauté minoritaire au sein d’une population francophone qui est elle-même une minorité en Amérique du Nord. Notre expérience est unique, et notre contexte très particulier comporte son lot de défis.
Cependant, il importe de comprendre que, même si les minorités de langue officielle au pays font face à des réalités et à des défis à la fois semblables et différents, leurs besoins particuliers doivent être pris en compte. Au bout du compte, elles cherchent toutes à préserver la vitalité de leurs communautés. Il est nécessaire de bien comprendre cet aspect pour trouver de véritables solutions qui répondent aux besoins des minorités linguistiques.
Il ne faudrait pas que j’oublie de parler du travail important que nous avons effectué à titre de membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles en 2010.
Ce travail a mené à la publication du rapport intitulé L’épanouissement des communautés anglophones du Québec : Du mythe à la réalité. Les témoignages entendus nous ont informés sur les réalités de ma propre communauté. Ils nous ont permis de mieux comprendre les défis vécus par la minorité linguistique anglophone du Québec. Ces communautés ne concentrent pas leurs efforts sur la préservation et la transmission de la langue, mais sur l’inclusion économique, sociale et politique au sein de la majorité.
Honorables sénateurs, même si les difficultés éprouvées par les minorités anglophones et francophones du pays peuvent varier, je crois fermement que nous devons mener ces combats tous ensemble. En tant que sénateurs, nous devons reconnaître que nous avons un important rôle de chef de file à jouer pour faire respecter la Loi sur les langues officielles et protéger la dualité linguistique de notre pays, où coexistent le français et l’anglais, les deux langues qui sont le fondement de notre nation.
Plus encore, en tant que sénateurs, nous avons pour rôle particulier de parler au nom des minorités, de ceux qui n’ont, souvent, pas voix au chapitre. Dans le cadre de mon interpellation sur le rôle du Sénat dans la protection de la représentation des régions et des minorités, une initiative que j’ai présentée en mai 2016, j’ai expliqué que les pères de notre pays reconnaissaient le besoin fondamental de tenir compte des différences au sein de la fédération.
Sir John A. Macdonald était persuadé que le Sénat ne devait pas être une « Chambre des provinces », mais plutôt une « Chambre du Parlement fédéral, dont les membres adopteraient une perspective à la fois régionale et nationale ».
Il est donc parfaitement normal que nous, sénateurs, rappelions au gouvernement du Canada sa responsabilité de défendre et de promouvoir les droits linguistiques, et que nous l’exhortions à prendre toutes les mesures nécessaires, conformément à ses compétences, pour assurer l’épanouissement et le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Les circonstances particulières de la création du Canada ont permis d’en faire un pays inclusif et multiculturel dont les habitants demeurent unis, quelle que soit la langue officielle qu’ils emploient.