18 octobre 2018
Votre Honneur, je propose que le Sénat agrée aux amendements de la Chambre des communes au projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction de faire de la publicité d’aliments et de boissons s’adressant aux enfants), et qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.
Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Seidman, avec l’appui de l’honorable sénateur Boisvenu, propose que le Sénat agrée les amendements apportés… Puis-je me dispenser de lire la motion?
Des voix : Suffit!
Son Honneur le Président : Nous passons au débat. La sénatrice Seidman a la parole.
La sénatrice Seidman : Honorables sénateurs, je suis sincèrement ravie d’intervenir au Sénat pour parler des amendements apportés par la Chambre des communes au projet de loi S-228. Je parle au nom de notre bonne amie et collègue, la sénatrice Nancy Greene Raine, qui a pris sa retraite en juin. Nous espérions tous qu’elle puisse intervenir aujourd’hui pour parler une dernière fois d’une mesure législative qui lui tenait beaucoup à cœur et sur laquelle elle a travaillé avec énormément de dévouement. Au fil des ans, la sénatrice Greene Raine et moi avons travaillé en étroite collaboration sur des enjeux touchant la santé des enfants, dont certains étaient liés intrinsèquement aux travaux réalisés par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, en particulier l’étude qu’il a menée sur l’obésité.
Je précise, d’entrée de jeu, que j’ai parlé à la sénatrice Greene Raine récemment et qu’elle m’a demandé de féliciter de sa part la légiste Suzie Seo, qui l’a aidée à rédiger le projet de loi S-228. La sénatrice Raine a mené de vastes consultations pour son projet de loi, que ce soit ici ou aux États-Unis, notamment par l’entremise de la campagne pour une enfance sans publicité.
Le projet de loi S-228, Loi sur la protection de la santé des enfants, a vu le jour ici, le 5 octobre 2016. C’est ce jour-là que notre collègue, la sénatrice Nancy Greene Raine, en a saisi le Sénat. Il a été étudié, amendé et adopté à l’unanimité par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie en juin 2017. Après le débat à l’étape de la troisième lecture, le Sénat l’a adopté le 28 septembre 2017, près d’un an après sa présentation.
Je signale que la version du projet de loi qui a été adoptée par le Sénat aurait interdit les publicités qui font la promotion d’aliments et de boissons nocifs pour la santé et qui s’adressent aux enfants âgés de moins de 17 ans.
Prenons un instant pour revenir un peu en arrière et expliquer d’où vient ce seuil. Dans la première version du projet de loi, c’est-à-dire celle qui a été étudiée à l’étape de la deuxième lecture, il était question des enfants âgés de moins de 13 ans. Ce seuil avait survécu à une contestation devant la Cour suprême de la loi québécoise adoptée dans les années 1980, alors il s’imposait de lui-même. La Cour suprême avait été sans équivoque : la publicité destinée aux enfants est « en soi manipulatrice ».
Toutefois, de plus en plus de données probantes indiquaient que le cerveau des adolescents est, lui aussi, très sensible aux effets des campagnes de publicité persuasives. Appuyée par de nombreux organismes travaillant dans le domaine de la prévention de l’obésité, la sénatrice Greene Raine a proposé un amendement, lors des réunions du Comité des affaires sociales en juin 2017, qui ferait passer l’âge de 13 à 17 ans. L’amendement a été approuvé par le comité.
Passons maintenant à l’autre endroit. Après le débat à l’étape de la deuxième lecture, en juin dernier, le projet de loi S-228 a été renvoyé au Comité de la santé. Il a été modifié pour rétablir la limite d’âge initiale, soit 13 ans. Le député Doug Eyolfson, le parrain de la mesure législative à la Chambre des communes, a présenté l’amendement. Il a expliqué que, même s’il reconnaissait l’importance de protéger les enfants jusqu’à 17 ans en principe, il craignait qu’une contestation fondée sur la Charte n’invalide l’ensemble du projet de loi. Le Dr Eyolfson a conclu que la limite initiale de 13 ans, basée sur la loi du Québec, était la meilleure façon d’obtenir des résultats positifs grâce au projet de loi.
Le Dr Eyolfson a ensuite présenté un autre amendement pour qu’un examen parlementaire soit mené dans un délai de cinq ans afin d’évaluer les conséquences imprévues éventuelles, en particulier une augmentation de la publicité d’aliments malsains destinée aux enfants âgés de 13 à 17 ans. Cet examen, conçu ou créé à cette fin, doit être mené par les deux Chambres dans les cinq années suivant l’entrée en vigueur de la loi.
La sénatrice Greene Raine appuie ces deux amendements qui ont été adoptés à l’autre endroit.
Honorables sénateurs, je vous rappelle que ce projet de loi découle de l’étude entreprise par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie en raison de l’augmentation du taux d’obésité au Canada. Le taux d’obésité a triplé au pays depuis 1980. De plus, un enfant sur trois âgé de 5 à 17 ans est en surpoids ou obèse. Les données démontrent de graves conséquences pour les enfants en surpoids, qui sont beaucoup plus à risque de développer des maladies chroniques une fois adultes.
Les recherches ont démontré que les causes de l’obésité sont multiples. Il n’en demeure pas moins, comme l’a conclu le comité sénatorial au terme de son étude, que la publicité destinée aux enfants qui fait la promotion de boissons et d’aliments mauvais pour la santé a des effets très néfastes. Pendant son étude du projet de loi S-228, le comité a entendu des témoins qui — mis à part les représentants des industries des aliments et de la publicité — appuyaient unanimement l’adoption de mesures de contrôle aussi rigoureuses que possible au sujet de la publicité destinée aux enfants qui fait la promotion de boissons et d’aliments mauvais pour la santé. À la lumière de ces témoignages, le comité a recommandé que le gouvernement fédéral interdise complètement la publicité d’aliments et de boissons destinée aux enfants. Il emboîterait ainsi le pas au Québec, qui interdit toute publicité destinée aux enfants depuis les années 1980.
La loi du Québec est relativement efficace, mais elle ne cible que la publicité imprimée ou diffusée par les médias. Comme on pouvait s’y attendre, après l’entrée en vigueur de la loi, les autres formes de publicité destinée aux jeunes ont connu un essor. Je me réjouis de voir que la Coalition Poids, une coalition du Québec, appuie le projet de loi S-228. La coalition Arrêtons la pub destinée aux enfants, qui regroupe 12 organismes importants du domaine de la santé sous la direction de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC et de la Childhood Obesity Foundation, affirme aussi haut et fort, depuis le tout début, qu’elle appuie ce projet de loi.
Honorables sénateurs, durant le débat sur le projet de loi C-45, certains ont exprimé la préoccupation que les enfants sont ciblés par de nombreuses formes de marketing. Lorsqu’on interdira les publicités de malbouffe ciblant les enfants de moins de 13 ans, est-ce qu’on se servira de l’argent qui leur est actuellement consacré pour cibler les adolescents? Pour cette raison, je suis heureuse que le projet de loi S-228 ait été amendé pour inclure un examen quinquennal des possibles conséquences non désirées sur les adolescents. Les spécialistes du marketing d’aujourd’hui comprennent que les adolescents peuvent être ciblés au moyen de messages qui suscitent des émotions précises, surtout à l’aide des médias sociaux. Quand un adolescent choisit de manger des aliments à forte teneur en sel, en sucre et en gras et de boire des boissons gazeuses et des boissons à forte teneur en caféine, cela peut l’amener à adopter de mauvaises habitudes alimentaires pendant le reste de sa vie.
Toutes formes de marketing incluses, la quantité de publicités de produits malsains visant les enfants et les adolescents au Canada a considérablement augmenté au fil des ans. La raison en est simple : les experts à l’origine de ces campagnes de marketing savent très bien qu’elles fonctionnent.
De nos jours, il existe bien des moyens d’inciter les enfants à choisir des boissons et des aliments malsains, y compris les commandites, les recommandations publicitaires et les cadeaux promotionnels. Nous savons que les campagnes de marketing réussies se servent efficacement des technologies les plus récentes et tirent avantage de la portée d’Internet.
Si le projet de loi visant à modifier la Loi sur les aliments et drogues a trait à l’objectif général et au cadre général, les détails figureront dans le règlement, qui pourra être mis à jour pour s’adapter aux nouveaux modes de marketing. La sénatrice Greene Raine est certaine que les nombreux groupes luttant contre le problème de l’obésité parmi les enfants surveilleront la situation et feront en sorte que la réglementation élaborée à la suite de la sanction royale du projet de loi S-228 soit conforme à l’objet du projet de loi.
Honorables sénateurs, je vous demande d’examiner attentivement les bonnes conséquences que le projet de loi S-228 peut avoir sur la santé des enfants. Tout comme la sénatrice Greene Raine, j’appuie les amendements que l’autre endroit a apportés pour protéger les enfants de moins de 13 ans des publicités sur les aliments malsains et pour garantir que toute nouvelle donnée probante recueillie au cours des cinq prochaines années sera prise en compte de manière à tenir la loi à jour et pertinente.
L’objectif du projet de loi demeure, comme on l’a toujours souhaité, la protection de la santé des enfants. Je vous exhorte à approuver le projet de loi S-228 tel qu’amendé à l’autre endroit. Je vous remercie de votre attention et serai heureuse de répondre à vos éventuelles questions.