Discours et déclarations

Motion: Les incidents nucléaires de Chalk River et la compensation des bénévoles

12 mars 2016

Honorables sénateurs, je prends la parole pour vous parler de la motion no 6 de la sénatrice Hervieux-Payette, qui invite le gouvernement à mettre en place un programme similaire au Programme de reconnaissance des « vétérans atomiques » afin d’offrir la compensation de 24 000 $ aux bénévoles et employés civils qui ont participé aux travaux de décontamination du réacteur nucléaire à Chalk River, en Ontario, en 1952 et 1958.

Comme la plupart d’entre nous le savent, l’accident du réacteur nucléaire survenu à Chalk River en 1952 a été le premier accident grave du genre au monde. On a conclu qu’il avait été causé par une erreur humaine et par des défauts de conception mécanique. À l’époque, il n’y a eu aucune blessure visible et les habitants des environs n’ont pas été particulièrement effrayés par les nouvelles faisant état de risques potentiels. Des employés et des bénévoles ont pris l’initiative d’entreprendre le nettoyage, s’exposant par le fait même aux champs de rayonnement d’un site hautement contaminé. Deux jours plus tard, on a appelé l’armée en renfort pour participer à l’opération de nettoyage, toujours en collaboration avec les civils et les employés.

En 1952, les connaissances sur les effets de l’exposition au rayonnement nucléaire étaient si limitées que des gouvernements étrangers ont aussi offert leur aide, à des fins d’apprentissage et de formation de leur propre personnel. Puis, en 1958, une rupture s’est produite à Chalk River à la suite d’une défaillance mécanique, ce qui a entraîné la contamination nucléaire de la salle du réacteur. Des employés ont dû transporter des sacs de sable dans cette salle afin de circonscrire l’incendie des barres de combustible. Ils ont été exposés aux débris et à la contamination provenant des barres enflammées. Il a fallu l’intervention de 300 employés d’EACL pour décontaminer le site.

EACL a fait son premier rapport de suivi sur ces accidents en 1982. On voulait évaluer les effets à long terme sur la santé des civils, tant des employés d’EACL que des bénévoles, ayant participé à la décontamination après l’accident de 1952. Le deuxième rapport de suivi a été réalisé pour fournir des détails sur le processus de décontamination, des renseignements sur le genre de travail effectué et l’exposition des employés, ainsi que des statistiques sur les doses de rayonnement découlant de l’accident nucléaire de 1958. Les deux rapports ont conclu qu’il n’y avait aucune différence servable entre l’état de santé des participants exposés et celui de l’ensemble de la population de l’Ontario. En réalité, il y avait une différence observable entre le taux de mortalité des gens ayant participé à la décontamination et celui de l’ensemble de la population de l’Ontario de l’époque.

Honorables sénateurs, les conclusions des deux rapports de suivi suscitent des questions sérieuses, notamment au sujet d’une mauvaise méthodologie qui fait porter l’étude uniquement sur la surmortalité sans que la morbidité excédentaire soit prise en considération. Il serait normal de s’attendre à ce que l’exposition à de telles substances toxiques entraîne des maladies chroniques graves. De plus, il y a tout lieu de croire que les résultats de ces études, qui révèlent une absence de surmortalité et qui n’ont jamais porté sur la morbidité, auront constitué le fondement de la décision initiale de ne pas indemniser les employés d’EACL et les bénévoles qui ont travaillé à la décontamination des lieux dès le début et ont peut-être été les plus exposés. Il est en outre précisé que des comparaisons avec l’ensemble de la population ontarienne sans que le niveau d’éducation et la situation socioéconomique soient pris en compte fausseraient les estimations de la mortalité. Enfin, l’information recueillie au sujet des travailleurs a fourni des renseignements intéressants sur les dangers que de tels accidents nucléaires représentent à long terme pour la santé.

Honorables sénateurs, en 2008, le gouvernement a décidé de verser une indemnité spéciale aux anciens combattants et aux employés du ministère de la Défense nationale présents lors d’incidents dangereux comportant l’émission de radiations nucléaires. Ce programme d’indemnisation visait également le personnel militaire ayant participé aux opérations de décontamination à Chalk River. Il faut maintenant tâcher de mettre en place un programme semblable pour indemniser les bénévoles civils et les employés d’EACL qui ont, eux aussi, pris part aux opérations de décontamination à Chalk River. Inspirons-nous de nos voisins du Sud. En 1990, le Congrès américain a adopté la Radiation Exposure Compensation Act, qui prévoit l’indemnisation des personnes ayant contracté une maladie grave, comme certains types de cancers, à la suite de leur exposition à des radiations émises au cours d’essais nucléaires en surface ou de leur travail dans des mines d’uranium. Cette loi prévoit l’indemnisation des personnes ayant contracté une des 27 maladies visées et s’applique aux travailleurs civils, au personnel militaire et aux personnes qui se trouvaient à proximité et en aval des sites d’essais.

Honorables sénateurs, aucun d’entre nous ne serait d’avis que nous devrions exclure les bénévoles et seulement reconnaître les cas d’exposition à la contamination radioactive dans les incidents survenus en 1952 et en 1958 à l’installation nucléaire de Chalk River lorsqu’ils concernent le personnel militaire. J’appuie la sénatrice Hervieux-Payette lorsqu’elle nous demande de nous assurer que les anciens employés d’AECL qui ont contribué à la décontamination en 1952 et en 1958 — il y en a environ 102, autant défunts qu’encore en vie — soient dédommagés au même titre que le personnel de la Défense nationale. Comme elle le dit si bien, il faut leur rendre justice. C’est la meilleure chose à faire.

Motion: Les incidents nucléaires de Chalk River et la compensation des bénévoles (Hansard)